3.12.05

A LA RECHERCHE DE L’ORANGE
Un défi pour les Iris de Louisiane


Heather Pryor, obtentrice australienne demeurant dans la banlieue de Sydney, est l’une des personnes les mieux à même de parler des iris de Louisiane car elle fait partie du petit lot d’hybrideurs exceptionnels qui se sont spécialisés dans cette catégorie. Dans le numéro 318 de juillet 2000 du bulletin de l’AIS, elle décrit son expérience dans la recherche de la couleur orange pour sa plante favorite.

« Quel sera ton point de départ pour essayer de développer une ligne de couleur qui n’a pas encore été explorée, depuis plus de 50 ans que l’on hybride les louisianas? Qu’est-ce que cela va te faire découvrir sur toi-même et tes aptitudes ? Quelles aventures passionnantes ou terrifiantes va-tu vivre au fur et à mesure que tu vas avancer dans un territoire inexploré ? Est-ce que tu vas continuer l’expérience ? Est-ce que je ne devrais pas reprendre mes « Petits Chaussons Rouges » et rentrer chez moi (1) ?

Toutes ces questions ce sont présentées à moi au cours des dix dernières années alors que j’approfondissais ma recherche d’un iris de Louisiane d’une brillante couleur orange, assez semblable à celle, peut-on dire, du TB HINDENBURG (ou celle du chat Garfield, si vous vous intéressez à la BD). « Ce n’est pas possible » disaient les gens, mais ce n’est pas une chose qu’il faut dire à un Pryor !

Le rouge et le jaune font de l’orange, n’est-ce pas ? Bon, mais quelqu’un a oublié de le dire aux Iris de Louisiane !

La première année d’hybridation a consisté à expérimenter différentes combinaisons de couleurs et à essayer de voir ce qui pouvait se révéler utile et ce qui pouvait être un pavé de la route à construire(1). Quelques résultats intéressants sont venus en mélangeant du jaune et du pourpre dans tous les sens ; Une autre ligne, partant du brun-rouge, a donné aussi quelques promesses. Mais j’avais encore du chemin à faire…

Une voie était peut-être en train de se présenter et le travail commençait à être sérieux. Mais combien de nuances, teintes ou variations y a-t-il vers ce but insaisissable ? Des couleurs comme pêche, abricot et terre cuite sont apparues, mais toujours pas d’orange.

En 1993, mon mari Bernard et moi avons eu la chance de recevoir la visite de Richard Goula, de Lafayette, près de la Nouvelle Orléans, pendant la saison de floraison de nos Iris de Louisiane. Il nous a gentiment encouragés et m’a aidé à me focaliser sur ce qu’il y a d’essentiel dans la quête de l’orange : essais et retour d’expériences. En 1993 j’ai croisé quelques jolies petites choses bizarres (un peu comme ferait une abeille) et j’ai attendu…

Vint le jour où les essais de 93 se sont mis à fleurir ; en même temps un modèle commençait à émerger des combinaisons de couleurs des trois années précédentes. Bien entendu, il y avait quelques vrais tacots (2) parmi tout ça, mais aussi quelques produits qui valaient la peine.

J’ai bientôt enregistré BUSHFIRE MOON (photo : cl. Grosvenor), un unicolore d’une brillante couleur jaune orangée. En 97 j’ai enregistré un frère de semis de BUSHFIRE MOON qui était d’une couleur un peu plus ocrée : GINGER FUDGE. Celui-là est un bel iris, au jardin, et il a été intensément utilisé par la suite. Un autre frère de semis, WHISPERED PROMISE, est d’un ton rose abricot et a été très apprécié par mon amie Janet Hutchinson pour quelques-unes de ses hybridations.

En 93 quand je jouais à l’abeille, j’ai fait un croisement à partir d’un unicolore acajou vif (qui s’appelle maintenant MONET’S MAGIC), et l’un de ses descendants est un self délicieusement coloré en miel parcouru de jolies veines brun doré. Il a été enregistré en 98 sous le nom de HONEY JUMBLE. (Pour l’anecdote, tous ses frères de semis sont étonnamment rouge cerise !)

Un autre croisement se nomme maintenant LOST FOR WORDS ; c’est un self abricot tendre, teinté de grenat autour du signal, qui pousse vigoureusement. Il fait partie de la récolte.

Deux superbes iris dans les tons de rouge ont également été enregistrés : JAZZ HOT, rouge fumé finement liseré de jaune ; et HOT AND SPICY, rouge brique brillant avec les styles vert pomme pointés de jaune beurre. Tous sont intéressants, mais où est l’orange que j’espérais obtenir ?

En 1994 j’ai croisé BUSHFIRE MOON et HOT AND SPICY. J’espérais quelque chose qui se situerait dans des couleurs d’agrume. En 97 un semis costaud a commencé à fleurir. Il était un peu de la couleur du chat orange Garfield, il brillait au soleil, il avait des veines rouges, des styles vert pomme, des boutons bien placés, il était vigoureux etc. etc. Son nom ? BOUND FOR GLORY. Il a été enregistré en 99. Mais il n’est pas tout à fait orange.

Toujours pendant ma période « façon abeille » de 1993, j’ai croisé JOIE DE VIVRE avec STYLISH SOCIALITE. Tous les deux étaient dans les tons de rose, violet ou cyclamen et avaient des antécédents sur lesquels je comptais pour mes recherches. Un semis est né en 96, mais dans un coloris inhabituel : bicolore lavande doux et café au lait. Il a été baptisé en 97 TEACUP CHATTER et ce cultivar est une bruyante petite créature qui me crie tout le temps « Viens près de moi et regarde moi !" » (Oui ! Il me fait ça !) C’est un autre pas en avant dans l’hybridation, mais on est loin du chemin vers l’orange. Enfin, peut-être…

Revenons à mes croisements de 1990. Deux d’entre eux, exactement à l’opposé l’un de l’autre, ont été un apport important pour les iris de Louisiane remontants : MAD ABOUT YOU est couleur maïs ; l’autre, un jaune clair très ondulé, d’une jolie forme arrondie, s’appelle FOR DAD. Quand il a fleuri pour la première fois, en mai 92, et quand mon père l’a vu, il a dit : « Il est superbe. Je l’adore. Voudrais-tu lui donner mon nom ? » Il est mort inopinément la même nuit et chaque année ce cultivar a fleuri à la saison normale, à la mi-octobre, et aussi en mai. Je continue de travailler sur la remontance des louisianas, mais cela ne me détourne pas de mon but initial.

Ai-je atteint la Cité d’Émeraude (1) ? Pas encore, mais le voyage a été un vrai plaisir et les liens d’amitié liés en cours de route ont été particulièrement merveilleux. Je ne suis pas prête à chausser mes « petits chaussons rouges (1) » et à revenir à la maison : il y a encore trop de chemins à explorer qui sont autant de réjouissances en vue !

(1) NDT : Allusions au Magicien d’Oz ; Les petits chaussons rouges sont ceux que découvre Dorothy, l’héroïne, et dont elle apprend qu’ils lui permettent de retourner à la maison, si elle fait claquer ses talons. La cité d’Émeraude est celle où vit le Magicien d’Oz et où se rendent Dorothy et ses amis, en empruntant la « route aux pavés jaunes ».
(2) NDT : H. Pryor est aussi la concessionnaire Rolls-Royce pour l’Australie et la Nouvelle Zélande !

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