23.12.05

BONBONS, CARAMELS et CHOCOLATS

En cette période de fêtes, je me suis amusé à rechercher quelle part tiennent les douceurs et sucreries dans les noms donnés aux grands iris. J’ai été un peu étonné de découvrir que ce domaine sémantique n’a pas une grande place dans ce petit monde un peu spécial. J’ai appuyé ma recherche sur certains mots évocateurs de confiseries, en américain, évidemment, puisque c’est en cette langue que sont exprimés les noms de la plupart des iris, même ceux qui ne sont pas nés dans un pays anglophone. J’ai retenu les vocables suivants :
Candy = (pour ceux qui ont des difficultés avec l’anglais) bonbon
Chocolate = (ça c’est facile) chocolat
Delight = (ça aussi, c’est facile) plaisir
Fudge = caramel (sans beurre ?)
Honey = miel
Sugar = sucre
Toffee = caramel, aussi, mais au beurre s’il vous plait !

Je n’ai trouvé qu’une vingtaine de noms concernant directement ces domaines, ce qui est très peu au regard du nombre invraisemblable de variétés enregistrées et, plus précisément, de celles qui figurent dans ma base de données (près de 8000). Alors, bon appétit !

Le mot « candy » est affecté à de nombreuses variétés, mais pas dans le sens de bonbon. Dans ce sens je ne vois que APRICOT CANDY (Terrada 96), un iris orange tendre, comme un bonbon à l’abricot, et CANDY SHOP (Corlew 69), une variété rose comme peut l’être la boutique d’un marchand de sucreries. Je crois aussi savoir qu’en 2005 K. Keppel a baptisé CANDY FLOSS (barbe à papa !) un de ses BB.

« Chocolate », comme « candy » est présent dans beaucoup de noms, mais, encore une fois, pas dans une acception directement reliée à la confiserie. En ce sens je n’ai trouvé que CHOCOLATE MARMALADE (Les Fort 90) une variété qu’on peut effectivement qualifiée de couleur chocolat, CHOCOLATE VANILLA (B. Blyth 92), une association de jaune pâle et de brun clair qui fait effectivement penser aux deux boules d’une glace à la vanille et au chocolat, et HOT CHOCOLATE (Ghio 95) qui est un plicata au fond jaune et aux dessins brun rosé.

« Delight » a été mis, si l’on veut, à toutes les sauces ! C’est un mot largement utilisé, mais désignant le plus souvent quelque chose qui fait les délices de quelqu’un sans allusion particulière à la gourmandise. Il y a au moins le délice aux noisettes d’HAZELNUT DELIGHT (Niswonger 2001), mais quand on voit la fleur qui porte ce nom, on se demande où sont les noisettes. Aux épaules, peut-être, mais elles me paraissent plus proche de l’abricot que du brun clair. Le reste est blanc bleuté et la barbe rose vif. Quant à SWEET DELIGHT (B. Blyth 95), cette douce friandise s’adresse à un iris rose crémeux, plus clair aux sépales, à barbes abricot.

Le caramel –ordinaire- de « fudge » intéresse au moins trois variétés : HUCKLEBERRY FUDGE (Gibson 96), dont on peut effectivement dire qu’il est couleur de myrtille, mais c’est un plicata très voisin en coloris de RASPBERRY FUDGE (Keppel 89) qui, lui, se tourne plutôt vers les framboises. Pour sa part, VANILLA FUDGE (Lauer 98) est un variegata très sombre, dont on peut dire que le caramel est un peu trop cuit, gare aux dents !

Ah, le miel ! S’il est quelque mot dont la douceur et le côté cajoleur sont une vaste source d’inspiration, c’est bien celui-là. Mais, c’est plus le côté affectif que le côté gourmand qui est mis en exergue. Cependant CARAMEL AND HONEY (Hahn 89), couleur caramel blond, fait franchement allusion à ce que son nom décrit. C’est un peu la même chose pour NUT AND HONEY (Aitken 2001), qui est un iris brun appétissant, particulièrement ondulé. L’ancien SPICED HONEY (Hamner 76) est lui aussi un beau brun, couleur miel de montagne. Quant à TASTE OF HONEY (Schreiner 66), son goût de miel se trouve autour des barbes, sur une fleur d’un riche ton de jaune safrané. Et pour finir les affaires du miel, remontons dans le temps jusqu’à TOAST AND HONEY (Kleinsorge 53), pour déguster une tartine grillée arrosée de miel blond : avec cette variété, le maître des bruns s’est offert un bon goûter !

Le sucre n’inspire pas autant que le miel. C’est un constat qui résulte de ce qui apparaît quand on pianote « sugar » sur l’ordinateur. Pas grand chose à se mettre sous la dent car les allusions liées à ce mot sont plus tournées vers la douceur en général que vers l’aliment. BROWN SUGAR SPICE (O. Brown 2002) est le seul nom directement lié à une friandise, mais il est tout à fait approprié pour une variété à la fois jaune et brun doré, d’une forme parfaite, délicatement frisée.

Il nous reste à rechercher ce qui se cache derrière le mot « toffee ». Eh ! bien il faudra se contenter de ce caramel brûlé qui qualifie BURNT TOFFEE (Schreiner 77), un iris d’une couleur indescriptible, où le bleu violacé le dispute au brun et au grenat. Où est le caramel –au beurre ! - dans ce mélange peu banal ?

Et en français ? Les hybrideurs de notre pays sont-ils amateurs de sucreries ? Deux, au moins l’ont été : Pierre-Christian Anfosso, pour cette excellente variété de 85 qu’il décrit comme « harmonie douce de tons chauds pour cet iris aux pétales beige doré et sépales beige chamois glacés d’une flamme mauve sous la barbe rouge mandarine ». Igor Fedoroff, l’autre amateur toulonnais, a, de son côté donné le nom de SUCRE D’ORGE (voir photo) à une de ses obtentions, hélas non enregistrée, d’un rose argenté, piqueté de blanc sous les barbes, rose vif ; un vrai bonbon à la fraise.

Mais le plus succulent n’est ce pas ce BONBON (77) que Joë Gatty a préparé avec ses meilleurs ingrédients pour nous livrer un délicieux produit rose, acidulé et doux à la fois, qui fait saliver ceux qui contemplent sa fleur parfaite.

Cet inventaire, somme toute assez restreint, démontre que la notion de goût ne s’associe pas vraiment avec celle de fleur. Du moins dans l’imaginaire des obtenteurs d’iris. Trop terre à terre, le goût ? Trop lointaine, la gourmandise ? Que cela n’empêche pas l’amateur d’iris de se régaler avec ces plantes qui sont toutes fort belles, et qui pourraient, à elles seules constituer la matière d’une savoureuse plate-bande.

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