23.4.05

PLICATA JAUNE (bis)

Une question récurrente, qui divise le petit monde des iris est celle de savoir s’il existe ou non des plicatas jaunes. Le problème semblait résolu après les explications circonstanciées données par Keith Keppel dans une démonstration faite sur Internet il y a deux ans. Celui à qui on peut délivrer sans crainte le titre de Mr. Plicata affirmait que, par définition, « plicata » signifie « iris à fond blanc ou coloré de jaune, rose ou orange, avec des motifs pointillés ou rayés bleus, violets ou pourpres ». Ce qui signifie qu’un iris jaune, aux sépales centrés de blanc comme JOYCE TERRY, n’est pas un plicata, même s’il en présente des signes encore plus apparents, comme LIGHT BEAM. Parce qu’ils n’auraient pas ces fameux pigments anthocyaniques dont l’apparition en quantité de plus en plus dense au fur et à mesure qu’on approche du bord des sépales (et parfois des pétales) et l’élément fondateur du modèle plicata. Admettons, mais comment qualifier ces fleurs où les pigments jaunes se trouvent répartis de la même façon que le sont les pigments violacés sur les plicatas traditionnels ?

Dans un article publié dans le numéro de janvier 71 du Bulletin de l’A.I.S., Jean Witt se disait convaincue qu’il existait des plicatas jaunes. Le débat ne serait-il alors qu’une question de dénomination ? S’il faut réserver le nom de plicata aux iris à motifs constitués par des pigments anthocyaniques, ce qui me semble désormais acquis, il faudrait trouver un autre nom pour ceux qui ne comportent pas ces pigments ou chez qui ils sont inhibés par un autre facteur, de telle sorte que les fleurs ont l’aspect plicata. C’est un peu comme pour cette boisson citronnée qui a le goût de l’alcool mais qui n’est pas de l’alcool, comme une publicité bien connue nous en a persuadé : l’effet « Gini » !

La question rebondit ces temps-ci parce que Chuck Chapman, obtenteur canadien très au fait du problème, a fait un rapprochement entre l’opinion de Jean Witt et celle, publiée dix ans plus tôt par Nolan Henderson, biologiste, qui a étudié les pigments et les manières dont ils étaient appliqués. Il décrit dans le bulletin de l’AIS d’avril 81 le modèle variegata –« variegata pattern »-, comme une fleur jaune, dont les sépales sont recouverts d’une couche brun acajou ou indigo vif qui ne laisse apparaître le jaune du fond que sur une étroite bande bordière. Il affirme que ce modèle peut être transféré sur des iris blancs récessifs ou des iris bleu clair parce qu’il n’affecte pas les autres pigments présents dans la fleur.

Le rapprochement entre les deux théories que fait Chuck Chapman intervient à propos des trois iris obtenus ces temps derniers par Richard Ernst : TIME WILL TELL (99), RING AROUND ROSIE (2000) et SERIOUS NOTION (2004). Il considère que SERIOUS NOTION peut être considéré comme la variété de base : pétales blancs ourlés d’un filet jaune, sépales également blancs mais l’ourlet jaune, vif au bord, va en s’atténuant au fur et à mesure qu’on se rapproche du centre. Ce qui en ferait donc un plicata jaune. En ajoutant à cette base une couche de pigment violet (anthocyanique) on obtient RING AROUND ROSIE qui, en effet, conserve les pétales blancs bordés de jaune du précédent, mais dont les sépales sur fond blanc serti de jaune, comportent un poudrage rouge magenta. Enfin, avec une couche supplémentaire de pigments anthocyaniques on aboutit à TIME WILL TELL qui a des pétales indigo liserés de pourpre, et des sépales où domine le pourpre mais où le fond d’origine, blanc, réapparaît sous formes de veines et de pointillés partants de la barbe. Les deux dernières variétés présenteraient donc la « variegata pattern » sur une base plicata jaune. Il ajoute que le même cheminement pourrait avoir lieu à partir de deux autres variétés de Richard Ernst, LEMON DEW (98) – jaune tendre centré de blanc – ou CHAMPAGNE TIME (2003) – jaune doré avec un grand cœur blanc. Pourquoi pas aussi à partir de INDIAN SANDSTONE (96) ou de CINNAMON GLOW (98), ces quatre iris étant d’ailleurs cousins germains tout comme les trois autres. Tout ce beau monde est issu en effet d’un croisement de EDNA’S WISH X WILD JASMINE, qui aura donné jusqu’à aujourd’hui au moins quinze variétés enregistrées par Richard Ernst !

Qui a raison ? L’exposé de Keith Keppel me paraît plus convaincant, mais il faut bien reconnaître que l’existence de cultivars jaunes ayant tous les traits de plicatas est avérée et qu’elle intrigue. Quant au modèle variegata, transposable sur tous fonds clairs, il semble bien que la théorie tienne debout, mais à défaut de démonstration scientifique, on reste dans le domaine de la conjecture.

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