19.11.04

L’IRIS ROUGE

Je ne sais pas si je suis intéressé par un iris rouge. Jusqu’à présent la question ne se posait pas parce que cette éventualité était considérée comme utopique. Mais voilà que Richard Ernst, l’hybrideur maison de la firme Cooley, annonce dans un article publié dans le bulletin de juillet 2004 de l’AIS, qu’il est sur le point de réaliser ce rêve ! Attendons de voir le résultat, mais saluons aussi la volonté et l’investissement qu’Ernst a mis dans ce projet.

Son article s’intitule « Comment faire un iris rouge », et il décrit dans un style alerte et direct le cheminement de sa recherche. Il est vain, dit-il, de continuer de tâtonner comme on le fait depuis des décennies, parce que les « rouges » d’aujourd’hui ne sont pas plus rouge que ceux de 1940. Il a donc entrepris une recherche très différente et appuyée par les progrès de la recherche génique. Il explique que le pigment rouge ne se trouve concentré, chez l’iris, que dans les poils de certaines barbes. Pour avoir des pétales et des sépales rouges, il faut parvenir à y concentrer autant de rouge, sinon on n’obtiendra qu’une fleure rose, et encore à la condition d’avoir éliminé les pigments anthocyaniques. Et comment être certain qu’il n’y a aucun pigment anthocyanique dans une fleur autrement qu’en faisant une recherche d’ADN, hors de portée du commun des hybrideurs ?

Ernst a pris contact avec un physicien qui affirmait qu’il était possible, avec les moyens technologiques actuels, d’obtenir un iris rouge. Il a relevé le défi et s’est mis en rapport avec l’Université de l’Etat d’Oregon pour engager le travail. Ce qui a nécessité l’embauche d’un physicien à temps complet et l’acquisition du matériel de laboratoire. L’Université de l’Etat d’Oregon a entrepris l’analyse complète de l’ADN d’un iris. La pigmentation de douzaines de variétés a été analysée et des cultures de tissu « in vitro » ont été réalisées. Il a fallu douze années de recherche pour découvrir et sélectionner les bons gènes rouges avant que ne commence le processus de transformation, processus qui a été couvert par un brevet. L’iris transformé a alors été mis en culture et la première fleur de ce qui devrait être un iris rouge doit s’épanouir au printemps prochain. Mais rien ne dit encore que le but sera atteint, et, à mon avis, il y aura nécessairement encore des progrès à réaliser. Mais Rick Ernst a l’air suffisamment sûr de lui.

En tout cas, s’il aboutit au résultat escompté, il aura réussi quelque chose de formidable. Quelque chose qui devrait lui rapporter beaucoup d’argent, à la mesure de l’investissement considérable engagé par la maison Cooley. Seule une entreprise importante, la première ou deuxième dans le monde des iris, pouvait se lancer dans une aventure aussi coûteuse et risquée. Ernst et Cooley ont osé le faire. Si leur iris rouge est vraiment rouge, bien fait, stable, fertile, sain, robuste et vigoureux, alors ils auront sans doute fait le plus beau coup de l’histoire de l’hybridation. Si les brevets pris confèrent à la maison Cooley, ce qui est probable, une droit exclusif de commercialisation, le prix de la nouvelle plante devrait être élevé, et l’utilisation de cet iris rouge par d’autres hybrideurs pour leurs croisements devrait être sévèrement réglementée. Cependant rien n’empêchera un amateur ayant acquis cet iris de s’en servir pour ses propres hybridations, même si ces plantes ne devraient pas pouvoir être commercialisées. Qu’adviendra-t-il alors de la pureté originale ? Insensiblement les gènes modifiés risquent de passer dans de nouvelles fleurs où ils se mêleront aux anciens donnant naissance à de nouveaux iris dont on ne peut aujourd’hui rien imaginer.

Un iris génétiquement modifié ! Qui aurait pensé cela dans les années 40, quand le professeur Kleinsorge s’acharnait à obtenir des « rouges » qui restaient « bruns » ! Et verra-t-on de farouches anti-OGM se ruer sur les cultures d’iris modifiés pour détruire ces fleurs improbables ? Espérons que tout se passera dans le calme et seulement pour le progrès de notre fleur favorite.

Source : « How to make a red iris », in Bulletin de l’AIS n°334, juillet 2004.

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