20.8.04

Rudolph KLEINSORGE
Un homme de bruns

Le docteur Kleinsorge, médecin, chirurgien, professeur d’université, et même président de cette Université, fut aussi éminent hybrideur d’iris. Aujourd’hui son nom est un peu oublié de nos jeunes générations, mais au cours des années 40 à 60, sa notoriété a largement dépassé les limites de l’Oregon, Etat où il s’était installé en 1909. Il était originaire de Waterloo (oui !) dans l’Iowa où il grandit et décrocha son diplôme de médecin, en 1908. Il avait 26 ans, et il résolut de tenter sa chance, en tant que chirurgien à Silverton, petite ville de l’Oregon spécialisée dans l’exploitation forestière, mais aussi berceau de la culture des iris.

Son intérêt pour les iris s’était révélé dès 1916, quand il eut l’idée d’en faire planter autour de la maison qu’il venait de se faire construire. Autant par goût que par curiosité scientifique, il se mit alors à effectuer des croisements entre les variétés disponibles à cette époque, essentiellement des iris en provenance de France. Le premier cultivar qu’il sélectionna fut appelé KLAMATH, du nom d’une tribu indienne de l’Oregon. Ce qui était justifié du fait de son coloris : brun rosé.

Avec une constance proprement obsessionnelle, Rudolph E. Kleinsorge entreprit dès lors une exploration systématique des coloris bruns. La grande majorité des iris qu’il enregistra, environ une centaine, sont dans les tons de jaune doré, brun, tabac, miel ou bordeaux. Par deux fois il passa à côté d’une médaille de Dykes. Une première, dans les années 30, quand son iris aril diploïde ORMOHR (37) fut déclaré inéligible du fait que le règlement de l’époque ne prévoyait pas qu’un iris de ce type puisse être couronné ; une seconde en 1946 quand son DAYBREAK (un iris brun dont les sépales se teintent de rouge prune en allant vers le bord) fit match nul avec OLA KALA, ce qui fit que cette année là la médaille ne fut pas attribuée ! On aurait d’ailleurs pu la lui accorder a posteriori deux ans plus tard puisqu’en 48 OLA KALA l’emportait, cette fois sans discussion…

Cependant ce n’est pas à DAYBREAK que le Dr Kleinsorge a du de devenir célèbre dans le petit monde des iris, mais plutôt à TOBACCO ROAD (1941), le premier iris réellement brun, qui a marqué son époque et constitue le point de départ de toutes les recherches sur les iris de cette couleur. A vrai dire, l’histoire a commencé dès 1936 avec l’introduction de FAR WEST, une variété ocre doré avec des influences de lilas qui a été à l’origine d’une foule de semis, dans la plupart des coloris disponibles à cette époque, mais principalement dans les bruns. Parmi ceux-ci il y a le fameux DAYBREAK, cité plus haut, ainsi que d’autres belles réussites comme GRAND CANYON (41), pourpre prune, GOLDBEATER (43), jaune d’or, et, surtout, AZTER COPPER (39), brun rosé. TOBACCO ROAD est un descendant d’AZTEC COPPER, de FAR WEST et du français JEAN CAYEUX.

TOBACCO ROAD, qui poussait médiocrement et était de culture délicate, est néanmoins à l’origine, entre autres, de BRYCE CANYON (44), cuivre rouge, PRETTY QUADROON (48), brun rosé, VOODOO (48) variegata miel/pourpre. Parmi ceux-ci, BRYCE CANYON a acquis la plus grande célébrité et fut un réel succès commercial.

Bien d’autres variétés signées Kleinsorge présentent un évident intérêt. A commencer par RANGER (43), rouge magenta, largement utilisé par les hybrideurs de « rouges », CASCADE SPLENDOR (1944), lumineux brun orangé de deux tons, ainsi que SUNSET BLAZE (1948), riche brun rosé à barbes or, qui obtint la President’s Cup en 1949. BALLET DANCER (49), vieil or, THOTMES III (50), brun café, SOLID GOLD (51) mordoré, TOAST AN’ HONEY (53), brun miel assez foncé, GOLDEN CROWN (54), variegata or et bordeaux, précèdent un grand choix enregistré en 55, qui comprend BEECHLEAF, brun rosé, FULL REWARD, ocre doré, et le très original SURPRISE PARTY, bicolore mauve souligné de sépales ocre. Vinrent par la suite, NUEVO LAREDO (56), cuivre violacé, puis, pour finir, BENGALI (61), amarante cuivré.

Au cours de sa longue carrière le docteur Kleinsorge a démontré que l’on pouvait se contenter d’un seul domaine de recherche et obtenir des variétés superbes dont on constate qu’elles progressent au fil des années pour atteindre une sorte de perfection, provisoire évidemment, mais gratifiante pour l’obtenteur. Rudolph E. Kleinsorge aurait pu tirer gloire de son acharnement et de ses succès, mais il était modeste et se contentait de la considération de ses confrères. Les centaines de semis qu’il réussissait à faire prospérer chaque année dans son minuscule jardin suffisaient à sa satisfaction d’honnête homme.

Sources : biographie de R. E. Kleinsorge, par A. Cooley, in site Internet de Michael Unser ; The World of Irises (AIS).

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