18.6.04

DÉCHIFFRER UN PEDIGREE


Rockstar x Classmate. Voici un pedigree qui ne pose apparemment aucun problème à l’amateur d’arbres généalogiques. Rockstar désigne la variété utilisée comme « mère » et Classmate est celle qui a fourni le pollen. Mais, direz-vous, il y a toujours un iris « femelle » et un iris « mâle », quel que soit le croisement. Bien sûr, cependant il arrive souvent que l’un ou l’autre, voire les deux parents n’aient pas été dénommés par l’hybrideur. Les variétés en question, parce qu’elles ne présentaient pas assez d’intérêt pour faire l’objet d’un enregistrement, sont restées des numéros de semis. Dans ce cas le pedigree va se présenter de façon un peu plus compliquée. Par exemple, pour rester chez Lawrence Ransom - le croisement Rockstar x Classmate étant celui de son dernier cultivar, baptisé JET-SETTER (2004) – prenons TITANIUM (2000), un superbe blanc au cœur légèrement poudré d’abricot. Le pedigree s’établit ainsi : Tide's In X (Soap Opera x Opera Bouffe). Le croisement (Soap Opera x Opera Bouffe) n’a pas reçu de nom. Il faut donc l’écrire de telle façon que celui qui recherche l’origine de TITANIUM soit immédiatement informé, d’où cette parenthèse qui enferme les deux termes du croisement utilisé comme « père ». Pour distinguer l’élément « femelle » de l’élément « mâle », l’X entre eux est un X majuscule, alors qu’un x minuscule est placé dans la parenthèse. Un peu plus de complexité apparaît si l’un ou l’autre (ou les deux) élément de la parenthèse est constitué d’une autre variété non dénommée. C’est le cas pour OLOROSO (Ransom 2000) qui se décrit ainsi : Speculator X ((Heartbreaker x Vanity) x Opium). Le côté paternel comprend deux éléments, l’un, nommé, est Opium. L’autre, sans nom, est le produit de Heartbreaker x Vanity. D’où la présence d’une double parenthèse.

Certains obtenteurs entreprennent des recherches qui n’aboutissent pas dès le premier croisement. Il faut parfois aller d’amélioration en amélioration, sur plusieurs générations. Ecrire le pedigree peut devenir, alors de plus en plus abscons. Prenons le pedigree de STARLETTE ROSE (Cayeux R. 96) : ((Ovation x Premier Bal) x (Pink Angel x Playgirl)) X ((Metropolitan x Loudoun Lassie) x ((Condottiere x Metropolitan) x sib). L’élément « femelle » est relativement simple puisqu’il s’agit du croisement de deux cultivars qui n’ont pas reçu de nom ; appelons le premier binôme A (Ovation x Premier Bal), et le second B (Pink Angel x Playgirl). L’élément « mâle » comprend en fait trois parties : le cultivar C (Metropolitan x Loudoun Lassie), le cultivar D (Condottiere x Metropolitan) et le cultivar E ((Condottiere x Metropolitan) x Sib). L’abréviation « sib » signifie que le cultivar D a été croisé avec un frère de semis (sibling en américain), que l’on peut appeler D’ ; la multiplication D x D’ = E. STARLETTE ROSE est donc le résultat du croisement d’un premier élément, A x B, par un second C x E. Ouf !

Les champions absolus du pedigree ultra difficile à déchiffrer se nomment Joë Ghio et Keith Keppel, même si l’on trouve de beaux casse-tête chez Schreiner ! Je vais essayer de décrypter l’ascendance de PROTOTYPE (Ghio 2000), une variété qui marque l’apparition d’un nouveau modèle d’iris, mais une variété dont l’arbre généalogique n’est pas un modèle de simplicité. Voici comment elle se présente dans la check-list :
« (((Tomorrow’s Child x (Caption x (Dream Affair x (Artiste x Tupelo Honey)))) x Costa Rica) x (Costa Rica x London Lord) X pod parent of Snowed In. » Il apparaît alors que seul le côté féminin est détaillé ; pour le côté masculin il faut aller piocher dans la généalogie femelle de SNOWED IN (Ghio 98), ce qui donne : « (Notorious x ((Success Story x (Fancy Tales x Alpine Castle)) x ((Persian Smoke x Entourage) x ((Strawberry Sundae x (Artiste x Tupelo Honey))) x Borderline sib)))). Au complet il faudrait écrire :
« (((Tomorrow’s Child x (Caption x (Dream Affair x (Artiste x Tupelo Honey)))) x Costa Rica) x (Costa Rica x London Lord) X (Notorious x ((Success Story x (Fancy Tales x Alpine Castle)) x ((Persian Smoke x Entourage) x ((Strawberry Sundae x (Artiste x Tupelo Honey))) x Borderline sib)))). »
Le décryptage consiste à isoler chaque binôme. Commençons par la part féminine en identifiant :
A = (Artiste x Tupelo Honey)
B = (Dream Affair x « A »)
C = (Caption x « B »)
D = (Tomorrow’s Child x « C »)
E = ( « D » x Costa Rica)
F = (Costa Rica x London Lord)
G = (« E » x « F »)
Passons à la part masculine :
H = (Fancy Tales x Alpine Castle)
I = (Success Story x « H »)
J = (Notorious x « I »)
K = (Persian Smoke x Entourage)
L = (« J » x « K »)
M = (Strawberry Sundae x « A »)
N = (« L » x « M »)
O = (« N » x Borderline sib)
Pour parvenir à la constatation que notre PROTOTYPE est le fruit de « G » par « O ».
S’il l’avait jugé utile, Ghio aurait pu donner un nom à G comme à O et le pedigree en aurait été réduit à sa plus simple expression, mais pour les puristes le travail de décorticage aurait continué pour aboutir au détail tel qu’il a été donné. D’ailleurs, si l’on veut, on peut continuer le décorticage en recherchant les origines de chacune des variétés dénommées ! Il faut dire que, tel quel, le pedigree remonte à la sixième génération avec les croisements « A » et « H ». A noter que « A » se trouve également à la quatrième génération dans la branche mâle (croisement « M »). Pour parvenir dans tous les cas au détail de la sixième génération, va encore se trouver en présence d’un certain nombre de binômes qui n’ont pas de nom… Quant à atteindre les septième ou huitième générations, celles des iris fondamentaux des années 50 ou 60, cela demande une bonne dose de courage et de concentration.

La science généalogique chez les iris n’est pas moins complexe que chez les hommes, je dirais même qu’elle est encore plus délicate puisqu’un même parent peut être parfois « père » parfois « mère » dans la même ascendance, ce qui est tout de même épargné à l’espèce humaine !

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