20.5.04

Adolf VOLFOVITCH-MOLER

Une énorme surprise est survenue en 1995 lorsque le jury de Florence a accordé sa plus haute récompense à un iris baptisé IKAR, dont l’obtenteur était un certain Adolf Volfovitch-Moler, habitant à Tachkent, en Ouzbékistan. En plus, la même année, c’est aussi un iris signé Volfovitch-Moler qui a été déclaré meilleure variété tardive : SYMFONIYA. Ainsi il y avait des créateurs d’iris ailleurs qu’en Amérique, Europe et Australie ? Et ils étaient capables de rafler des récompenses parmi les plus convoitées du monde ?

Jusqu’à la chute de l’empire soviétique, aucune information ne circulait sur les amateurs d’iris de ce monde isolé. Le rideau de fer enfermait aussi ceux dont la paisible passion ne concernait qu’une simple fleur ! Pourtant une certaine activité iridistique existait là-bas. Les enragés de l’iris se débrouillaient comme ils pouvaient pour assouvir leur passion. Ils se procuraient, le plus souvent en cachette, quelques variétés anglaises ou américaines et, avec ce faible potentiel génétique, s’essayaient à l’hybridation. Dès 1990 ils se sont fait connaître du petit monde des iris et ont commencé à s’offrir quelques iris plus récents que leurs antiques variétés des années 50 ou 60. C’est dans le recueil des enregistrements de 1995 qu’apparaissent les premières variétés originaires de l’ancien bloc de l’Est. Le Slovaque Ladislav Muska, l’Allemand (de l’Est) Manfred Beer, les Russes Irina Driagina, Vitali et Nadeghda Gordodelov, Piotr Hattenberger, Viktor Koroliov, Seguei Loktev, Galina Shevchenko, Viktor Sheviakov, le Kazakh Leonard Venivitin et l’Ouzbek Adolf Volfovitch-Moler se sont ainsi fait connaître. Le Slovène Izidor Golob s’est joint à l’équipe en 1996, puis ce furent les Tchèques et les Polonais en 1997. Ensemble ils occupent maintenant la seconde place dans le livre des enregistrements derrière les Etats-Unis, avec 173 nouveaux iris en 2003 !

Jusqu’à présent le seul de ces hybrideurs qui ait atteint la célébrité est Adolf Volfovitch-Moler. Venu de Russie, son activité professionnelle de géologue l’a amené en Ouzbékistan où il s’est définitivement installé. Il a pu bénéficier d’un petit espace au sein du Jardin Botanique de l’Académie de Sciences d’Ouzbékistan, à Tachkent, sur lequel il a développé autant que faire ce pouvait son travail d’hybridation commencé une dizaine d’année plus tôt. Il a continué d’hybrider jusqu’à sa mort en 2001, se désolant de manquer de place et de moyens. A ce sujet, je suis heureux d’avoir contribué à l’enrichissement de sa palette génétique en lui offrant un certain nombre de variétés françaises qu’il n’aurait pas pu se procurer en raison de ses faibles moyens financiers.

IKAR (92) et SYMFONIYA (92) n’étaient pas, d’après leur obtenteur, ses variétés préférées. Il avait curieusement une affection particulière pour un coloris qui, chez nous, n’est pas recherché, à savoir une teinte située entre le pourpre et le gris ou gris rosé. On la trouve chez CHIMGAN (92), VDOKNOVENIE (92) ou VECHERNYAIA SKAZDA (97). Ces variétés proviennent d’un croisement – dans un sens ou dans l’autre – de l’Anglais DANCER’S VEIL (Hutchison 59) et de RIPPLING WATERS (Fay 61), des cultivars largement obsolètes aujourd’hui, même si ce sont des plantes de grande valeur. Cependant son favori était le grand TASHKENT (92), il est vrai superbe variegata-plicata richement coloré. Pour ma part je préfère des variétés plus récentes comme CARNIVAL NIGHT (97), en violet pourpré somptueux, RAH RAH BOY (97) bicolore lilas / ocre avec des épaules caramel, très original, de même que ZOLOTAYA KORONA (98), vieil or de haute taille et d’une teinte rare et lumineuse.

Adolf Volfovitch-Moler aurait aimé utiliser les possibilités de la biotechnologie pour obtenir des iris franchement nouveaux, mais il n’a jamais disposé des moyens lui permettant cette recherche à laquelle le prédisposait sa formation scientifique.

Il est à noter que, dans les correspondances que j’ai eues avec lui, ce personnage hors du commun parlait davantage de ses glaïeuls que de ses iris. Il est vrai qu’il avait réussi, grâce à l’utilisation chimique du manganèse, à obtenir des variétés de glaïeuls tout à fait originales et même franchement révolutionnaires, avec des fleurs ouvertes en même temps sur toute la longueur de la tige et dans des coloris jusqu’à présent inconnus. Jamais il n’a pu trouver de distributeur en Europe de l’Ouest pour ces fleurs étranges, les contacts qu’il a pris avec le principal producteur français de bulbes n’ont pas pu aboutir, du fait, semble-t-il, de son incapacité à fournir des bulbes non virosés, et de son peu de confiance dans les industriels occidentaux ! On ne se refait pas, après toute une existence idéologiquement remplie de suspicions envers les gens de l’Ouest !

Quel que soit son caractère ombrageux, Adolf Volfovitch-Moser reste une personnalité à part dans le monde des iris et un nom dans le petit cercle des obtenteurs majeurs.

Aucun commentaire: