26.4.03

Paul H. Cook

Paul H. Cook fait partie de cette poignée d’hybrideurs qui ont marqué en profondeur le long cheminement vers les iris que nous connaissons aujourd’hui. Son nom est indissociable le de celui de PROGENITOR, un pauvre petit semis que la plupart des hybrideurs aurait détruit dès sa première fleur, mais dont il a eu, lui, le génie de pressentir les grandes aptitudes. Mais il ne faut pas limiter sa carrière à ce seul événement. Paul Cook était un homme sérieux et méthodique qui n’a rien entrepris à la légère et dont les résultats sont à la mesure de la qualité du travail.

Son intérêt pour l’horticulture remonte à sa petite enfance ; et il a commencé, dès 1910, par cultiver des petits pois, des fruits rouges et quelques iris. A son retour de la guerre de 14, lui et Bruce Williamson se trouvèrent un intérêt commun pour les iris qui donna naissance à une stimulante émulation et à un partenariat économique qui s’est concrétisé par la création des « Longfield Iris Gardens », la pépinière dont sont issus tous les produits Cook.

Il lui a fallu quinze ans de recherches pour aboutir, en 1937 à E. B. WILLIAMSON, une variété « rouge » qui a marqué son temps et obtenu l’année suivante la médaille d’or du Concours International d’Italie, l’ancêtre de l’actuel Florin d’Or. Dans les années qui ont suivi, Paul Cook a enregistré des variétés dans différentes classes de couleurs, comme PINK REFLECTION, COPPER ROSE ou DISTANCE, un iris bleu. Cependant Cook restera sans doute dans les mémoires pour son travail dans trois directions : les iris nains, les iris noirs et les amoenas et bicolores.

Pour ce qui est des iris nains, c’est lui qui a mis en évidence les exceptionnelles aptitudes de I. pumila à transférer les gènes des grands iris tétraploïdes dans les catégories de petite taille. C’est lui qui a découvert, incidemment, en tentant d’améliorer la richesse de la couleur des grands iris bleus, que le croisement d’ I. pumila et de grands iris donnait naissance à de ravissantes plantes. Il s’est empressé d’approfondir son travail dans ce sens et est parvenu à une sorte de sommet, en 1951, avec FAIRY FLAX, le bleu azur, BARIA, le jaune tendre et GREEN SPOT, aux sépales marqués de vert, qui a été si abondamment utilisé comme géniteur et qui a donné naissance à tant de remarquables semis. La catégorie des SDB (Standard Dwarf Bearded) était en train de naître.

Parmi ceux que l’on appelle les iris noirs, P. Cook nous a donné Sable en 1938, puis Sable Night en 1950, et d’autres d’égal mérite en leur temps. Comme on l’a vu précédemment, cette lignée, unie aux descendants de BLACK FOREST, est à l’origine de tous les noirs actuels.

De cette plante insignifiante qui se nomme PROGENITOR sont venus MELODRAMA, WHOLE CLOTH, EMMA COOK, MISS INDIANA et d’autres d’immense valeur qui nous valent de disposer aujourd’hui d’un panel pratiquement infini d’iris amoenas et bicolores. Cependant ce n’est pas Paul Cook qui a poursuivi dans la direction ainsi tracée. Quand on lui demandait pourquoi il n’avait pas continué la série de WHOLE CLOTH, il répondait avec un clin d’œil que, cette variété ayant été largement distribuée, la compétition était partie pour aller trop loin pour lui. En fait son plaisir était de découvrir, de mettre quelque chose en mouvement, pas forcément de poursuivre sur sa lancée.

En effet, même s’il avait les capacités pour devenir un homme d’affaire avisé, Paul Cook avait choisi de s’en tenir à son travail d’hybrideur, dans une petite communauté rurale ; il était bien plus intéressé par son foyer et ses livres, son jardin et ses iris, que par l’argent. Il avait un vaste cercle d’amis dans toutes les parties du monde et il aimait leur écrire et les rencontrer, en particulier à la saison des iris, et discuter des leurs travaux et des siens.

La Médaille de Dykes a été attribuée trois fois à des variétés sortant de ses mains, SABLE NIGHT en 55, WHOLE CLOTH en 62 et ALLEGIANCE en 64. Jusqu’à ce jour seuls trois autres obtenteurs sont parvenus au même résultat : Orville Fay, Ben Hager et Monty Byers. Ce n’est que justice rendue à un grand personnage qui était resté un homme modeste et généreux.

Il est mort subitement, dans l’Indiana, en novembre 1963.

L’INTRUS (RÉPONSES)

Voici les réponses au jeu proposé la semaine dernière :

1
Il fallait éliminer LIGHT BEAM. Tous les autres sont de « vrais » plicatas, celui-là est un « plicata jaune », donc un « hérétique » !
Texte de référence : « Plicata jaune ? »
2
Il fallait éliminer FEMININE WILES : tous ces iris sont roses, mais seuls les trois autres ont été obtenus par Ben Hager. L’obtenteur de FEMININE WILES est John Nelson.
Texte de référence : « Benjamin Ross Hager »
3
Il fallait éliminer GOTHIC. Tous ces iris sont dus à Monty Byers, mais GOTHIC ne descend pas de BROADWAY !
Texte de référence : « Broadway »
4
Il fallait éliminer ELVIS PRESLEY. Ces iris ont été obtenus par Clifford Benson, mais ELVIS PRESELY est blanc, les trois autres sont bleus.
Texte de référence : « Clifford W. Benson »
5
Il fallait éliminer FLARE UP : les quatre iris cités sont bien des produits Ghio, mais FLARE UP ne descend pas directement de COMMENTARY.
Texte de référence : « Commentary »
6
Il fallait éliminer DOLCE VITA. Les trois autres noms de variétés obtenues par Ben Hager font allusion à la musique classique, pas DOLCE VITA.
Texte de référence : « Con Amore »
7
Il fallait éliminer LORD BALTIMORE. De ces quatre Lords, c’est le seul obtenu par Donald Nearpass.
Texte de référence : « Donald C. Nearpass »
8
Il fallait éliminer ACTRESS. Tous ces iris sont des obtentions de Keith Keppel ; les trois autres ont obtenu le Florin d’Or à Florence, pas celui-là.
Texte de référence : « Florins d’or »
9
Il fallait éliminer OLD BLACK MAGIC. Ces quatre variétés noires sont des iris Schreiner descendants de BLACK FOREST, mais les trois autres datent des années 70, OBM est de 96.
Texte de référence : « Forêt Noire »
10
Il fallait éliminer FLEETA. Les trois autre variétés sont des obtentions de Paul Cook.
FLEETA est d’Orville Fay.
Texte de référence : « Le tiercé gagnant de M. Cook »

20.4.03

L’INTRUS

Le premier quiz que j’ai présenté ayant remporté un certain succès, en voici un nouveau. Cette fois, dans chaque item, il s’agit de découvrir l’intrus, c’est à dire le nom de variété qui n’a rien à faire dans la liste.

Amusez-vous bien.

1
· EARL OF ESSEX
· LIGHT BEAM
· RONDO
· STEPPING OUT

2
· ANNA BELLE BABSON
· BEVERLY SILLS
· FEMININE WILES
· VANITY

3
· BARN DANCE
· BLATANT
· GOTHIC
· ISTANBUL

4
· ELVIS PRESLEY
· LAKE PLACID
· MAESTRO PUCCINI
· VAN CLIBURN

5
· DOUBLE SCOOP
· FLARE UP
· GHOST STORY
· SOAP OPERA

6
· BEL CANTO
· CON AMORE
· DOLCE VITA
· VERISMO


7
· LONDON LORD
· LORD BALTIMORE
· LORD OLIVIER
· WAR LORD

8
· ACTRESS
· FOGGY DEW
· SKYBLAZE
· WOODCRAFT

9
· DUSKY EVENING
· NIGHT OWL
· OLD BLACK MAGIC
· SWAZI PRINCESS

10
· EMMA COOK
· FLEETA
· MELODRAMA
· WHOLE CLOTH

Réponses, la semaine prochaine !
COMME UN CHARME

Les intermédiaires sont aux iris ce que les mulets sont aux équidés. Le produit stérile (le plus souvent) d’un grand et d’un petit. Mais là s’arrête la comparaison, car si les mulets n’ont ni l ‘élégance des chevaux, ni l’air bonhomme des ânes, les iris intermédiaires sont de très jolies plantes, bien proportionnées et florifères.

Je prendrai aujourd’hui deux exemples de cette réussite.

Commençons par LIKE A CHARM (Byers 88). C’est en quelque sorte un amoena inversé. Il est décrit comme : « Pétales jaune citron, sépales blancs, jaune brillant aux épaules et autour de la barbe ; barbe bleue pointée jaune, éperons bleu-violet ; légèrement ondulé, parfum doux et prononcé. » Une fleur originale, donc, qui éclaire le jardin, du haut de ses 55 centimètres. Son parent femelle est le petit SDB THRICE BLESSED (Weiler 81) qui est jaune à barbe blanche, son parent mâle est un grand iris, non dénommé, mais qui est issu du croisement de deux variétés célèbres : ACTRESS (Keppel 76) et SKY HOOKS (Osborne 80). On ne les présente plus ni l’un ni l’autre, ACTRESS en bleu à barbe rouge, et SKY HOOKS, l’iris à éperons le plus fameux, à l’origine d’une masse de cultivars de cet aspect. LIKE A CHARM tient de lui ses éperons bleus. Il tient de sa « mère », et de l’une de ses « grand’mères », BABY SNOWFLAKE (Peterson 62) ses couleurs et sa taille. A noter que ce BABY SNOWFLAKE descend du grand bleu BLUE SAPPHIRE (Schreiner 53, DM 58), uni pour la circonstance à un iris pumila. Le bleu est bien représenté dans les gènes de LIKE A CHARM, grâce à ACTRESS, qui descend du bel iris indigo LOVELY LETTY (Hall 60), associé à l’incontournable RIPPLING WATERS (Fay 61, DM 66), et de BABBLING BROOK (Keppel 69, DM 72), lui-même provenant de CAHOKIA (Faught 46), l’ancêtre de la plupart des bleus. L’arbre généalogique de SKY HOOKS est assez compliqué, mais il faut savoir qu’on y découvre deux autres incontournables, MARY RANDALL (Fay 50, DM 54) et FLEETA (Fay 56).

L’autre iris intermédiaire dont je veux parler se nomme HELEN PROCTOR (Briscoe 77). Celui-ci présente l’originalité d’être un iris « noir », couleur fort rare parmi les intermédiaires. Autre originalité, il est issu du croisement d’un intermédiaire fertile, LOU BROCK (Briscoe 74) et de SABLE ROBE (Cook 66), l’une des toutes dernières hybridations de Paul Cook, sombre, comme son nom le laisse présager. Cet iris descend comme de bien entendu, via DEEP BLACK (Cook 53), de BLACK FOREST (Schreiner 45) ! Quant à la « mère » d’HELEN PROCTOR, c’est un petit iris violet foncé. Par les mâles il provient de BLACK BABY (Sass 55), un SDB dont les particularités sont d’une part d’être bien noir, d’autre part de trouver son origine non pas parmi les iris pumilas, mais parmi les chamaeiris, autre espèce naine. Côté femelle, LOU BROCK a pour parent DARK STRANGER (Branch 57), iris pourpre foncé, lequel est un des enfants de BLACK FOREST ! Décidément, on n’en sort pas. Quand on dit noir, on dit presque obligatoirement BLACK FOREST, que ce soit chez les grands iris, comme chez les iris intermédiaires.

Les deux variétés d’aujourd’hui, fort différentes, présentent deux aspects de la panoplie passionnante des iris intermédiaires qui, au jardin, non seulement ouvrent de bonne heure la saison, mais aussi rendent d’éminents services là où la place tend à manquer.

11.4.03

CHANTILLY :
UNE HISTOIRE DE DENTELLE

On ne peut pas dire que CHANTILLY (David Hall, 1940) soit une très jolie fleur. Pour la couleur, ça va, c’est un iris lavande léger, avec les épaules nettement marquées du jaune qui infuse le cœur. Mais pour la forme, c’est assez médiocre, avec des sépales récurvés et retombants, à moins que l’on ne porte son attention sur les bords des pièces florales qui sont finement laciniées, comme de la dentelle. D’où le nom, CHANTILLY, qui ne fait pas allusion à la crème, mais à la célèbre activité dont la ville éponyme s’est longtemps enorgueillie. Dès son apparition, cet iris est devenu populaire grâce à ce frisottis, original pour l’époque.

Ce n’est pas que les bords dentelés soient une nouveauté, dans les années 40, parce que cet aspect était apparu depuis plus de dix ans parmi les semis des frères Sass. Ceux-ci considéraient que c’était plutôt une anomalie. Mais les amateurs qui rendaient visite à leur pépinière trouvaient cela joli et ils finirent par se décider à enregistrer deux variétés frisées, MIDWEST GEM, en 1937, puis, en 1939, MATULA. Plusieurs obtenteurs saisirent l’occasion pour entreprendre un développement de cet ornement. Particulièrement Agnès Whiting, qui utilisa largement MATULA pour transmettre le facteur de la dentelle à sa descendance. Elle enregistra plusieurs variétés dentelées, comme GOLD LACE, MIRABELLE, ETUDE et surtout PATHFINDER (50). Ted Muhlestein, quant à lui, se servit plutôt de MIDWEST GEM et aboutit à GOLD RUFFLES. Le Dr Loomis passa par une autre voie pour développer les bords frisés de ses fleurs. Il constata en effet que son rose orchidée MOROCCO ROSE (1937) était apte à transmettre le facteur concerné. Mais c’est David Hall, obtenteur de CHANTILLY et grand hybrideur, notamment d’iris roses, qui parvint à un iris réellement et profondément dentelé. Après CHANTILLY, il a obtenu d’autres variétés frisées comme LIMELIGHT (52) ou JUNE BRIDE (54). Cependant c’est une autre variété, rose, MAY HALL (54), pas franchement découpée néanmoins, qui s’est révélée comme la meilleure pour la transmission du facteur de la dentelle car, sans que l’on sache pourquoi, ce sont surtout les iris roses qui propagent ce phénomène. A partir de cette variété des obtenteurs comme Orville Fay ou Nate Rudolph ont introduit les bords dentelés dans les caractéristiques de leurs iris. C’est le cas pour TRULY YOURS (Fay 49), un iris jaune tendre, devenant blanc plus on s’approche des bords, ceux-ci étant finement laciniés, qui n’a pas volé sa DM obtenue en 1953. Même récompense en 66 pour RIPPLING WATERS (Fay 61), une variété mauve aux bords joliment ciselés, qui est devenue l’un des piliers de l’hybridation moderne. Les roses de Rudolph se présentent avec les mêmes traits. C’est vrai notamment pour les délicats rose tendre PINK ICE (60), PINK FRINGE (66), PINK SLEIGH (70)…

Bien entendu les deux origines, CHANTILLY et MAY HALL, sans oublier MOROCCO ROSE, ont été croisées, directement ou via leurs descendants, pour obtenir des pétales remarquablement brodés. Gordon Plough a utilisé cette voie pour introduire les iris dentelés dans ses lignées. Opal Brown a fait de même. On leur doit, par exemple, BUTTERSCOTCH KISS (Plough 58), non seulement très frisé, mais encore marquant l’apparition d’une nouvelle teinte parmi les iris jaunes ; RAINBOW GOLD (Plough 59), un iris jaune d’or qu’on retrouve dans le pedigree de nombreuses variétés fort connues comme BRIDE’S HALO (Mohr 73 – DM 78), MILESTONE (Plough 65), STARRING ROLE (D. Palmer 73) ou TRADER’S GOLD (Plough 82) ; BUFFY (O. Brown 69) et son « fils » QUEEN OF HEARTS (O. Brown 74) qui rata de peu la DM en 81.
Quant à l’incontournable maison Schreiner, elle a croisé MIDWEST GEM et CHANTILLY. De cette union sont nés, quelques générations plus tard des variétés frisées de qualité comme LIME FIZZ (Schreiner 69) ou le splendide GRAND WALTZ (Schreiner 70), ultra célèbre et ultra frisé.

Les bords dentelés sont maintenant très répandus chez les grands iris. , Tout comme les souples ondulations, les sépales élargis à la base et les tiges largement ramifiées, ils font partie des caractéristiques les plus courantes. GRAND WALTZ n’est pas étranger à cette expansion. Ses enfants et petits enfants sont très nombreux et reproduisent les ornements de leur illustre parent. L’un des plus découpés est sans conteste le fameux LACED COTTON (Schreiner 80) qui aurait très bien pu s’ajouter aux DM acquises par les produits de la firme de Salem, puisqu’il a manqué d’un rien la distinction suprême en 86. Paradoxe, cette année là c’est SONG OF NORWAY qui l’a emportée, une variété raide et plutôt avare en frisures ! LACED COTTON, ce faux blanc pur, est entièrement bordé de très fines dentelures, et ce caractère a intéressé un grand nombre d’hybrideurs. Les américains tout d’abord, Schreiner en tête, qui nous a donné QUEEN OF ANGELS (95) aux extrémités déchiquetées, tout comme CARTE BLANCHE (96) ou un autre blanc, ARCTIC AGE (99). MYSTIC LACE (Aitken 90) tient de LACED COTTON les délicats friselis de ses pétales, et de MYSTIQUE (Ghio 75 –DM 80) son joli dégradé de bleu indigo. PURE AS THE (Innerst 89) est aussi un blanc abondamment frisotté, RHONDA FLEMING (Mullin 92) est une superbe fleur mauve vif au centre blanc, à la fois frisée et ondulée, LADY BIRD JOHNSON (Mahan 96) cumule les qualités : couleur bleue pâle raffinée et forme parfaite avec friselis et ondulations, même chose pour le mauve parme FANCY STUFF (O. Brown 98). Ailleurs qu’en Amérique, LACED COTTON est le parent-vedette du Slovaque Ladislaw Muska qui en a tiré de très nombreux cultivars brodés intéressants comme son bicolore fétiche, DON EPIFANO (89) ou le mauve pâle baptisé avec à propos LA DENTELLE (96) que l’on peu qualifier de crépu. OEDIPUSSI (89) est la contribution de l’Allemand Harald Moos à la gloire de LACED COTTON et de ses pétales découpés. J’ai dans ma propre collection ZLATOHLAVEK (Seidl 97), la version jaune – et tchèque – de LACED COTTON. Enfin n’oublions pas CUMULUS (Cayeux R. 2000), néglecta lavande, qui rassemble dans sa généalogie les noms prestigieux de LACED COTTON, bien sûr, mais aussi ceux de CONDOTTIERE et SILVERADO.

LACED COTTON n’est cependant qu’un des descendants de GRAND WALTZ aux bords fortement brodés. Citons aussi, les produits Ernst, tous cousins, qui s’appellent DIFFERENT WORLD (91), RAINBOW GODDESS (94) ou TRACY TYRENE (88), le plus connu en France. Parlons de RUFFLES AND LACE (Hamblen 82) dont le nom dit bien à qui l’on a affaire, LILAC BREEZE (Tompkins 87), adorable rose bleuté tout en finesse, et de nombreux produits Schreiner, comme FABULOUS FRILLS (76) vraiment crêpé, MICHELE TAYLOR (84), et son cousin PRETTY PRINT (80), une pure merveille mauve tendre si gracieusement bouillonnée de dentelle mauve plus vif.

Avec tous ces beaux iris, on s’est largement éloigné de CHANTILLY ! Mais il ne faut pas oublier que depuis l’apparition de cette variété, au nom si bien choisi, les obtenteurs ont abondamment exploité ses performances et offert aux amateurs des fleurs toujours plus belles dont les pétales et sépales s’ornent de la plus charmeuse des parures.

Sources : The World of Irises (Warburton et Hamblen) 1978.

4.4.03

CONDOTTIERE x DELPHI

On ne présente plus CONDOTTIERE (J.Cayeux 78), qui est très certainement l’iris français le plus utilisé en hybridation partout dans le monde, et qui fait maintenant partie du petit cercle des variétés de base, mais on connaît moins son partenaire DELPHI (Shoop 79) qui n’a pas eu le même succès, mais qui est à l’origine d’une remarquable lignée.

A première vue, DELPHI est une variété assez banale. Il est décrit comme « Pétales blancs ; sépales bleus ; barbes mandarine ; ondulé. » C’est un peu cursif comme description, et pas tout à fait exact. En fait les sépales ne sont pas franchement bleus, mais d’un bleu-mauve un peu terne, avec des veines claires très visibles et des épaules fortement marquées de brun. Quant à la forme de la fleur, elle est tout à fait typique des années 70 : les pétales forment le dôme et les sépales retombent un peu. Rien donc qui attire particulièrement, si ce n’est les barbes vivement colorées, qui sont une caractéristique des iris signés George Shoop.

Avec le flair qui distingue les grands hybrideurs, Jean Cayeux, en visite aux USA en 1981, devine que cette variété, croisée avec le grand CONDOTTIERE, est susceptible de donner naissance à des iris tricolores, blancs aux pétales, bleus aux sépales et rouges aux barbes. Il rapporte du pollen de DELPHI et procède aussitôt au croisement envisagé. Dans son livre « L’iris, une fleur royale », Richard Cayeux raconte ensuite comment ce croisement a donné naissance à un semis bleu-blanc-rouge, mais insuffisamment contrasté, qui n’est connu que sous son numéro (8109 A), et comment recroisé avec d’autres descendants de CONDOTTIERE, il est à l’origine d’une série exceptionnelle de variétés tricolores. Quatre frères de semis ont été sélectionnés : BAL MASQUÉ, MARBRE BLEU, REBECCA PERRET et VIVE LA FRANCE. Ces quatre variétés ont été enregistrées en 1993. BAL MASQUÉ est le plus sombre des quatre : les pétales sont bien blancs, mais les sépales, fortement veinés sous les barbes, présentent un violet pensée qui offre un contraste très agréable. MARBRE BLEU est tout à fait remarquable, avec des sépales d’un beau bleu violacé vif et des veines blanches très importantes mais qui ne font que développer le caractère de la fleur. REBECCA PERRET est beaucoup plus clair : le bleu tendre des sépales rappelle à la fois celui d’ALIZÉS (J. Cayeux 87) (qui figure dans son pedigree) et celui de son semis « mère ». VIVE LA FRANCE est le plus proche du but recherché car son bleu est un bleu « drapeau » et le centre blanc des sépales nettement moins développé que sur ses frères. Des quatre, c’est REBECCA PERRET qui a assuré la continuation, avec trois variétés cousines : BELLE DE NUIT (R. Cayeux 99), PARISIEN (R.Cayeux 94) et LA MEIJE (R. Cayeux 2000). BELLE DE NUIT est un néglecta indigo à vives barbes rouges ; PARISIEN est l’ultime achèvement de la série des tricolores, car il tient le milieu entre VIVE LA FRANCE et MARBRE BLEU avec la teinte du premier aux sépales et les veines blanches du second ; quant à LA MEIJE c’est une amélioration du semis 8109 A en ce qui concerne la forme de la fleur et la pureté des couleurs, puisque le ton bleuté se limite aux bords des sépales. il provient du croisement de REBECCA PERRET et d’un autre descendant du couple CONDOTTIERE x DELPHI, l’exceptionnel SIXTINE C (R.Cayeux 94).

Car ce couple n’a pas seulement engendré la bande des quatre ! Parmi ses descendants on trouve aussi deux autres frères de semis : HORTENSE C (R. Cayeux 93). et RUBAN BLEU (R. Cayeux 97), ainsi que VOLUTE (R. Cayeux 96), issu d’un autre croisement. En plus il y a CUMULUS (R. Cayeux 2000), et l’américain REGAL AFFAIR (Shoop 89), la version US de la série tricolore. HORTENSE C. est très proche de BAL MASQUÉ ; RUBAN BLEU est sans doute le plus vif de la série tricolore, avec une zone blanche fortement rayée de brun sous les barbes. On retrouve dans CUMULUS le côté néglecta de BELLE DE NUIT, mais dans une tonalité plus mauve et plus claire. Enfin VOLUTE est nettement un bicolore, beige et violet améthyste, avec la belle barbe rouge propre à sa famille.

La descendance du couple CONDOTTIERE x DELPHI n’est peut-être pas terminée. Une prolongation lui a déjà été donnée avec FRENCH CANCAN (R. Cayeux 2001), une autre réussite, voisine pour les couleurs du fameux CELEBRATION SONG (Schreiner 93), mais voisine aussi de sa grand’mère REBECCA PERRET.

Avec le couple CONDOTTIERE x DELPHI, la maison Cayeux a donc fait une bonne affaire. Les amis des iris aussi, car on ne pourrait plus se passer désormais de ces iris tricolores, spécificité française, qui illuminent nos jardins.