27.3.03

LARRY GAULTER

D’après la chronique obituaire publiée par James P. McWhirter dans le Bulletin de l’AIS n° 283 (Octobre 1991)

Larry Albert Gaulter, ancien membre du staff de l’AIS est décédé le 8 juin 1991.C’était un hybrideur distingué dont la renommée est surtout due à MARY FRANCES, vainqueur de la Médaille de Dykes.

L’intérêt de Larry Gaulter pour les iris a été l’histoire d’amour de sa vie. Né à Kansas City, dans le Missouri, le 16 novembre 1907, il était encore enfant quand il commença à s’intéresser aux fleurs. Il habitait près d’une serre, en face d’un grand cimetière. Comme il l’a souvent raconté, il a travaillé au cimetière, vendant des plantes en pot pour le compte des propriétaires de la serre. Ces gens lui ont donné quelques plantes qu’il a commencé à faire pousser dans son arrière-cour. L. Gaulter travaillait aussi dans l’entreprise de peinture et papier peint de son père, ce qui lui permit d’affiner un sens subtil des couleurs, qui transparaît dans la couleur des variétés qu’il nous léguées.

Après son mariage avec Frances, dont il avait fait la connaissance dans un bal où il jouait du saxophone avec un orchestre local, il acheta sa première maison à Chanute, Kansas. Bien entendu une « charmante vieille dame » habitait à côté et fit cadeau aux Gaulter d’un ou deux paniers de plantes où il y avait des iris qui fleurirent le printemps suivant. La passion de Larry pour les iris avait commencé et il écrivit aussitôt au rédacteur en chef d’une revue de botanique pour demander que plus de place soit consacrée aux iris.

Au cours des années qui suivirent, les Gaulter visitèrent plein de jardins d’iris, et apprécièrent le travail des hybrideurs. Avec des amis, ils firent le voyage de Benson Station, à Omaha, pour voir le jardin des frères Sass. C’est là que L. Gaulter rencontra pour la première fois Bob Schreiner et Dave Hall. Comme il l’a expliqué, Omaha était à l’époque le centre du monde des iris et si vous vouliez rencontrer l’un de ses membres, vous étiez sûr de le trouver là-bas pendant la période de floraison. Larry visita également les jardins de tous les hybrideurs du moment, depuis les grandes prairies du centre des Etats Unis jusqu’à la côte ouest.

En 1938 il rejoignit l’AIS et devint juge. Il avait acquis de profondes connaissances des iris au contact des plus grands, en leur expliquant ce qu’il faisait et en écoutant leurs observations.

Pendant la deuxième guerre mondiale, il servit dans la Marine, en Californie. Avec l’argent de son pécule il acheta un tas d’iris chez différents hybrideurs, et peu après la fin de la guerre, déménagea sa famille pour s’installer en Californie sur la baie de San Francisco. C’est là qu’il fit la connaissance de tout le gratin des hybrideurs installés dans ce secteur. Chaque année il faisait le pèlerinage de l’Oregon et de l’Utah, depuis le jardin des Schreiner, jusqu’à celui de Melba Hamblen, en passant par les terres d’Opal Brown, au cœur des Blue Mountains.

L. Gaulter commença ses hybridations à la fin des années 40. Son premier enregistrement date de 1954, mais son premier véritable succès date de 1958 et se nomme MADEMOISELLE, un croisement de LAVANESQUE x PATHFINDER qui reçut un AM en 64 et tapa dans l’œil de Tell Muhlestein qui inscrivit cette variété à son catalogue.

Au cours des années 60 Larry Gaulter introduisit un grand nombre de variétés de haute valeur comme CLAUDIA RENE (63), CHRISTIE ANNE (64), qui remporta le Florin d’Or à Florence en 67, LAURIE (67), SAN LEANDRO (68), qui fut l’un des plus apprécié de son époque. Cependant c’est MARY FRANCES, introduit en 73, qui reçut la Médaille de Dykes en 79 et qui est l’exemple même de ce que doit être un vainqueur de la DM, c’est à dire une plante qui pousse et fleurit bien partout où on la cultive. MARY FRANCES continue d’avoir du succès et est toujours coté au Symposium de l’AIS.

Les autres iris marquants obtenus par Larry Gaulter se nomment TIBURON (71), VIRGINIA SQUIRE (73), TUPELO HONEY (75), CARRIAGE TRADE (77), PERSIAN BERRY (77), DRURY LANE (78), PORTRAIT OF LARRIE (79), SKATING PARTY (83) ou FIRST REUNION (90).

Larry Gaulter prétendait que la culture des iris était une activité si saine qu’elle permettait de vivre longtemps. C’est en effet ce qui lui est arrivé, puis qu’il est mort à 83 ans. Avec lui, le monde des iris a perdu un important obtenteur, mais, plus important encore, il a perdu un lien avec une autre époque. Heureusement il nous reste les iris qu’il a créés qui nous rappellent le passé, mais aussi nous guident vers le futur.

22.3.03

FORÊT NOIRE

La plupart des iris noirs, ou tendant vers le noir, descendent aujourd’hui d’une variété de base qui se nomme BLACK FOREST (Schreiner 45). Cette variété a partagé avec SABLE (Cook 38) le titre de « l’iris noir », du fait de l’intensité de son coloris. SABLE s’est révélé être une sorte d’aboutissement, car ses descendants n’ont pas manifesté un réel progrès par rapport à leur géniteur sauf en direction d’autres sortes d’iris foncés. Néanmoins, l’un d’entre eux, SABLE NIGHT (Cook 50), digne descendant d’un illustre ancêtre, s’est distingué en obtenant la Médaille de Dykes en 1955. Il est vrai que cet iris a, par ailleurs, un lien de parenté avec BLACK FOREST.

Honneur donc à BLACK FOREST, et à ses innombrables descendants.

Pour donner une idée de la diversité de ceux-ci, voici une liste de variétés modernes, avec un résumé de leur pedigree, remontant jusqu’ à leur ancêtre mythique :
· EXOTIC ISLE (Plough 81) -> EXOTIC STAR -> WINNER’S CIRCLE -> WINTRY NIGHT -> semis -> BLACK FOREST ;
· NIGHT AFFAIR (Luihn 83) -> CONTEMPO -> ROYAL HERITAGE -> ALLEGIANCE -> DARK BOATMAN(1) -> BLACK FOREST ;
· MODERNAIRE (Luihn 74) -> ROYAL HERITAGE -> ALLEGIANCE -> DARK BOATMAN(1) -> BLACK FOREST ;
· TRAPEL (Ségui 82) -> DARK ALLURE -> GRAND ALLIANCE -> ALLEGIANCE -> DARK BOATMAN(1) -> BLACK FOREST ;
· WITCHES’ SABBATH ( Maryott 86) (2) -> WALTZING WIDOW -> semis -> GRAND ALLIANCE -> ALLEGIANCE -> DARK BOATMAN(1) -> BLACK FOREST ;
· NUIT DE CHINE (Anfosso 93) -> BLACK FLAG -> SWAHILI -> ALLEGIANCE -> DARK BOATMAN(1) -> BLACK FOREST ;
· BEFORE THE STORM (Innerst 89 DM 96) -> RAVEN’S ROOST -> BLACK MARKET -> STUDY IN BLACK -> CONGO SONG -> STORM WARNING -> BLACK FOREST ;
· NIGHTS OF GLADNESS (Ernst 90) -> INTERPOL -> STUDY IN BLACK -> CONGO SONG -> STORM WARNING -> BLACK FOREST ;
· BLENHEIM ROYAL (Schreiner 90) -> MASTER TOUCH -> STUDY IN BLACK -> CONGO SONG -> STORM WARNING -> BLACK FOREST ;
· JAZZ JUBILEE (Dunn R. 84) -> MIDNIGHT SPECIAL -> semis -> semis -> BLACK HILLS -> BLACK FOREST ;
· DUSKY EVENING (Schreiner 71) -> BLACK SWAN (3) -> semis -> BLACK HILLS -> BLACK FOREST ;
· MANDY G (Beer 92) -> SWAZI PRINCESS -> BLACK SWAN(3) -> semis -> BLACK HILLS -> BLACK FOREST ;
· BLACK AS NIGHT (Meek D. 92) -> BLACK PEARL -> DUSKY DANCER -> DARK FURY -> BASIN STREET -> STORM WARNING -> BLACK FOREST ;
· MIDNIGHT OIL (Keppel 98) -> BLACKOUT -> NAVY CHANT -> DUSKY DANCER -> DARK FURY -> BASIN STREET -> STORM WARNING -> BLACK FOREST ;
· CALAMITÉ (Anfosso 82) – BASIC BLACK -> semis -> BASIN STREET -> STORM WARNING -> BLACK FOREST ;
· NIGHT OWL (Schreiner 70) -> NIGHTSIDE -> semis -> LICORICE STICK -> semis -> STORM WARNING -> BLACK FOREST ;
· HELLO DARKNESS (Schreiner 92 DM 99) -> MIDNIGHT DANCER -> TUXEDO sib -> LICORICE STICK -> semis -> STORM WARNING -> BLACK FOREST ;
· OLD BLACK MAGIC (Schreiner 96) -> MIDNIGHT DANCER -> TUXEDO sib -> LICORICE STICK -> semis -> STORM WARNING -> BLACK FOREST ;
· AROUND MIDNIGHT (Schreiner 95) -> MATINATA -> deux semis -> STORM WARNING -> BLACK FOREST ;
· BLACK TIE AFFAIR (Schreiner 93) -> BLACK DRAGON -> MATINATA -> deux semis -> STORM WARNING -> BLACK FOREST ;
· THUNDER SPIRIT (Schreiner 96) -> DARKSIDE -> MATINATA -> deux semis -> STORM WARNING -> BLACK FOREST ;
· DRACO (Anfosso 88) -> STORM CENTER -> MATINATA -> deux semis -> STORM WARNING -> BLACK FOREST.

Avec celle de SABLE et SABLE NIGHT, les deux origines étant aujourd’hui intimement mêlées, la famille de BLACK FOREST est immense, à tel point que l’on ne peut plus parler d’iris noir sans faire y faire référence. C’est une variété qui tient bien sa place parmi les pères fondateurs de l’iridophilie moderne.

(1) variété issue également de SABLE
(2) compte également BLACK SWAN dans son ascendance
(3) variété issue également de SABLE NIGHT

15.3.03

CON AMORE
Des iris et de la musique

C’est fou comme la musique, la musique classique entre autres, inspire les obtenteurs d’iris ! Et je ne peux parler que de ce que je connais (un peu) : les grands iris des jardins. Rien que dans ce domaine, les allusions musicales sont aussi agréables que les fleurs qui leur ont emprunté leur nom. Arrêtons-nous un moment (une pause ?) sur ces dénominations évocatrices.

Curieusement ce sont les compositeurs qui sont les moins bien représentés. Ils ne sont que deux, à ma connaissance : Mozart, qui est honoré par AMADEUS (Tompkins 89), un iris lilas à barbes jaunes, et SPECIAL MOZART (Anfosso 91), et Giacomo Puccini, qui a droit à MAESTRO PUCCINI (Benson 72), superbe bleu pur, et tout simplement PUCCINI (Ghio 98), plicata pourpre sur fond blanc.

Les artistes interprètes sont également au nombre de deux : la cantatrice BEVERLY SILLS (Hager 79 – DM 85) – dont les enregistrements d’opéras viennent d’être republiés – et l’immense pianiste VAN CLIBURN (Benson 61), un iris bleu parfait. En termes généraux on trouve aussi la CHANTEUSE de Joseph Gatty (80), toute de rose vêtue, la CHOIR GIRL (77) de Barry Blyth, en robe crème, le SOLOIST (Ernst 94) en costume de scène dans les tons miel, le vieux MAESTRO (Stevens 44), en rose isabelle, et même le MUSIC MAESTRO de Blyth (90) en habit bleu marine.

On rencontre aussi quelques personnages d’opéra, comme la THAÏS, non pas de Massenet, mais de Ferdinand Cayeux (1926), ou les mozartiens DESPINA (82) en blanc, et LEPORELLO (81) en violet sombre, tous deux produits par l’allemand Erhard Woerfel, tout comme ADALGISA, en blanc au cœur bleu, qui porte le nom d’une héroïne de Norma, de Bellini.

L’opéra, et ses morceaux de bravoure, sont dignement représentés, que ce soit le BEL CANTO (81) ou le VERISMO (87) de Ben Hager, la CELESTE AÏDA de Valeria Romoli (99), la FLUTE ENCHANTÉE de notre compatriote Anfosso (91), le CARO NOME de Bob Brown (68) ou la MUSETTA’S WALTZ de Herbert Spence (73). Ajoutons, toujours en ce qui concerne la « grande » musique, EMPEROR’S CONCERTO (Wood 95) – bleu drapeau – , EVENING CANTICLE (Carr 89 – FA 90) – digne descendant de SONG OF NORWAY - , SPRING SYMPHONY (Benson 72) – rose orchidée - SPRING RHAPSODY ( Maryott 94) – gris-, SUNSET SONATA (Hamblen 80) – abricot – et TWILIGHT SONATA (Ghio 62) – indigo - ; sans oublier la SONATE D’O composée par Pierre Anfosso en 79.

Les termes musicaux ne manquent pas parmi les grands iris. Les genres musicaux tout d’abord, avec CHAMBER MUSIC (Williamson 73 – FO 77), OPERA BOUFFE (Ransom 92), OPERETTE (J. Cayeux 68), ou, tout simplement MUSIQUE (B. Blyth 79), SIMFONIJA (Volfovitch-Moler 92), SYMPHONETTE (Noyd 69) ; les mesures et les rythmes, ensuite comme ALLEGRETTO (B. Martin 75), ALLEMANDE (Schliefert 73) ou RONDO (Schreiner 72), l’inoubliable plicata ; les termes plus généraux ensuite, comme FIRST MOVEMENT (Grosvenor 90 – ADM 92), IN TEMPO (B. Blyth 74), OPUS ONE (Coleman 72), ou WORDS AND MUSIC (Grosvenor 84) ; les indications de nuance, enfin, où l’on trouve SUR DEUX NOTES (Ségui 81), CON FUOCO (Ransom 94) et CON AMORE (Hager 84), auquel j’ai pris le titre de ce texte.

La musique inspire donc les hybrideurs, à moins que ce ne soit les iris qui fassent souvent penser à la musique. Ce ne serait pas étonnant car, comme la musique, ils savent parler directement au cœur.

7.3.03

LE TIERCÉ GAGNANT DE M. COOK

Il en est dans le monde des iris comme il en est dans le monde tout court : le hasard est toujours là. Il intervient quand on ne l’attend pas et peut être à l’origine d’événements considérables. J’ai déjà raconté les incroyables coups de chance de Clara Rees, avec SNOW FLURRY et de Lois Kuntz avec DEBBIE RAIRDON. Mais dans le genre, le geste du destin qui favorisa Paul Cook est au moins aussi extraordinaire.

Paul Cook, l’une des plus éminentes figures de l’hybridation, a commencé son travail avec les iris au début des années 30. Son nom est cité dans tous les domaines de l’hybridation, mais tout spécialement lorsqu’il est question d’iris bleus. En effet, dès 1939 il s’était lancé dans un programme destiné à améliorer la vivacité du coloris de ces iris. C’est dans ce but qu’il a acheté à l’obtenteur Rex Pearce un lot de graines qui devaient être celles d’I. mellita, et qui se sont révélées comme étant celles d’I. reichenbachii, une espèce d’iris nains originaires des Balkans, très florifère, dans les tons de jaune avec de fortes taches brunes sur les sépales. Paul Cook a réalisé en 1944 un croisement entre un de ces I. reichenbachii et le grand iris bleu SHINING WATERS (Douglas circa 35). Le résultat n’a pas été brillant en nombre de graines, mais l’un des semis obtenus, croisé de nouveau avec SHINING WATERS, a donné un iris amoena bleu de grande qualité. Cook a alors réalisé que ce petit iris de rien du tout, issu de ces graines d’ I. reichenbachii, possédait le pouvoir d’inhiber le pigment bleu dans les pétales de ses descendants. Il l’a enregistré en 1951 en lui donnant le nom de PROGENITOR.

PROGENITOR n’a jamais remporté la moindre distinction, mais il est à l’origine des iris néglectas, amoenas et bicolors actuels, et par conséquent de toutes leurs variantes comme celles que l’on rencontre chez les plicatas. Et les trois champions de cette immense descendance se nomment MELODRAMA (Cook 56), EMMA COOK (Cook 57) et WHOLE CLOTH (Cook 58).

MELODRAMA, l’aîné, est un iris néglecta, mauve bleuté ou bleu jacinthe pour les pétales, indigo clair pour les sépales, un peu plus clair sous les barbes mauve pâle, le plus ondulé des trois. Il tient son côté violacé au pollen de DREAMCASTLE, variété rose orchidée. Le cadet, EMMA COOK, ainsi nommé en l’honneur de l’épouse de Paul Cook, est le plus clair de la nichée : les pétales sont d’un blanc à peine bleuté, de même que les sépales qui comportent un large liseré en dégradé de bleu s’intensifiant vers le bord (l’effet d’inhibition s’est étendu largement sur les sépales), il est légèrement ondulé. Le petit dernier, de loin le plus célèbre, WHOLE CLOTH, est un vrai amoena : pétales blancs, sépales bleu violacé clair, barbes jaunes, fleurs presque sans ondulations.

MELODRAMA est à l’origine d’une foule d’iris bitones, bicolors ou plicatas, soit en descendance directe, soit par l’intermédiaire de ces descendants. A commencer par le bleu-mauve A PROPOS (Babson 64), les variegatas GYPSY LULLABY (Brown O. 60), BON VIVANT (Plough 63), AMIGO’S GUITAR (Plough 64) ou COSMOPOLITAN (Hamblen 72), les bicolors TOUCHE (Hamblen 69) ou DUALTONE (O. Brown 77) et des plicatas comme ODYSSEY (Babson 71) ou SPINNING WHEEL (Nearpass 74). Au moins trois de ses produits ont obtenu des récompenses majeures : DREAM LOVER (E. Tams 71) et EVERYTHING PLUS (Niswonger 84) ont reçu la Médaille de Dykes, le premier en 77 et le second en 91, et QUEEN OF FLORENCE (Mallory 76) porte ce nom en l’honneur du Florin d’Or qui lui a été accordé en 75 alors qu’il ne portait encore qu’un numéro de semis. Il est possible d’ajouter SOSTENIQUE (Blyth 75) qui fut le récipiendaire de la DM australienne en 86.

EMMA COOK est présent dans le pedigree de nombreuses variétés très diverses comme ARPEGE (Schreiner 66), SCINTILLATION (Schreiner 81), LIVE MUSIC (Schreiner 83), GYPSY WOMAN (Schreiner 84) qui ont eux-mêmes engendré plein de belles variétés comme l’amoena-plicata ART FAIRE (Schreiner 93), l’éclatant STARSHIP ENTERPRISE (Schreiner 99), et le brillant plicata allemand RENATE LEITMEYER (Beer 2001). Cependant c’est en France que sont nés les principaux rejetons d’EMMA COOK, en raison de l’usage qu’en a fait la famille Cayeux. CONDOTTIERE (78), tout d’abord, qui descend à la fois d’EMMA COOK et de WHOLE CLOTH, et dont la propre descendance est impressionnante, mais aussi GURLI (78) et VAHINÉ (79) dans le genre néglecta, ou JOLI CŒUR (99) délicat amoena rose. Enfin il faut parler des la grande famille des tricolores qui va d’ALIZÉS (87), plus amoena que tricolore, à PARISIEN (94), en passant par BAL MASQUÉ (91), VIVE LA FRANCE (91), REBECCA PERRET (92) – qui ressemble sans doute le plus à son ancêtre EMMA COOK--, et MARBRE BLEU (93).

WHOLE CLOTH est à l’origine d’un nombre incroyable d’iris de toutes sortes. On ne peut qu’en citer quelques-uns, en commençant par MISS INDIANA (Cook 61) qui reste l’un des plus brillants amoenas, avec une forme parfaite, et qui a eu lui-même une riche descendance avec DREAM LOVER (Tams 71) dont j’ai parlé ci-dessus. Les Français CASCADEUR (Cayeux 69), FANTAISIE (Cayeux 68), viennent de WHOLE CLOTH, comme les célèbres LATIN LOVER (Shoop 69), LILAC CHAMPAGNE (Hamblen 65), LORD BALTIMORE (Nearpass 69), MILESTONE (Plough 65), NAVAJO BLANKET (Schreiner 78)… Mais arrêtons-nous sur une famille issue de WHOLE CLOTH qui a eu un succès remarquable. Avec ROCOCO (Schreiner 59), Keppel a obtenu DIPLOMACY (65), que Ghio a associé à STEPPING OUT pour donner VENERATION (69). Il a par la suite croisé cette variété avec un de ses semis à la généalogie très complexe, englobant des blancs (SPANISH PEAKS) des bleus (CAHOKIA – CHIVALRY), des « noirs » (BLACK FOREST) et plusieurs de ses propres obtentions dans les tons de bleu (FROSTED STARLIGHT, PENTHOUSE, MAHALO), pour obtenir d’un côté DIALOGUE (73) et de l’autre MYSTIQUE (75). DIALOGUE a remporté le Florin d’Or en 76 et MYSTIQUE s’est vu décerner la DM en 1980 ! Les deux variétés ont indéniablement un air de famille, le premier est plus nettement amoena, le second tout à fait néglecta, mais tous les deux ont cette couleur extraordinaire, ce bleu spécifique qui a créé un choc lors de leur apparition sur le marché. C’est en regardant des photos de DIALOGUE et de MYSTIQUE que m’est venue l’idée de me pencher sur leur origine, car je leur trouvais quelque ressemblance avec MELODRAMA dont l’image figure également dans ma collection. Et il apparaît que ce dernier figure effectivement dans le pedigree des deux précédents, par l’intermédiaire de MAHALO (Ghio 64), qui est le produit de MELODRAMA et de TWILIGHT SONATA (Ghio 62), un iris indigo vif qui n’est pas pour rien dans la couleur exceptionnelle des deux demi-frères.

Voilà une étude généalogique passionnante qui, partant d’un petit iris botanique sans histoire, aboutit aux plus luxueux iris modernes par l’effet d’un hasard qui fait penser, en moins dramatique, à cette boutade selon laquelle une feuille de cerisier tombée à Tokyo peut être à l’origine d’un cyclone sur les Bahamas.