24.10.02

BROADWAY

S’attaquer au pedigree de BROADWAY (Keppel 81) n’est pas une mince affaire. On part dans une recherche foisonnante qui remonte sans peine jusqu’aux années 50, sur sept ou huit générations. Cette aventure est cependant passionnante car elle met en évidence les géniteurs-clés des types plicata, bicolor-plicata, amoena-plicata et variegata-plicata, autrement dit toute la palette des iris à fleurs mouchetées. Elle montre également les cousinages entre toutes ces fleurs, au moins dans la lignée créée et poursuivie par Keith Keppel depuis le début de ses hybridations.

Pour expliquer la complexité de l’affaire, il suffit de noter le pedigree tel qu’il apparaît dans la check-list de l’AIS. BROADWAY provient de ((((IRMA MELROSE X TEA APRON)x ((FULL CIRCLE X ROCOCO)x TEA APRON))x APRIL MELODY)x CARAMBA)x FLAMENCO.

TEA APRON, que l’on retrouve par deux fois dans la généalogie maternelle fait partie des plicatas sur fond blanc obtenus par les frères Sass. Il a été introduit en 1961 après que les jardins Sass aient été dispersés. Sa particularité est de concentrer l’effet plicata sur les sépales, exactement sur les épaules. Cet effet plicata est déjà là chez FULL CIRCLE (58), obtenu par Chet Tompkins à partir d’un autre iris bleu indigo de Sass, DOTTED SWISS (56). Toujours du côté maternel, intervient ensuite APRIL MELODY (Gibson 65), une variété abondamment utilisée par Keith Keppel, qui est un plicata bitone rose orchidée, puis CARAMBA (Keppel 75), à qui appartient le côté variegata-plicata, qui se rencontre aussi du côté paternel comme on le verra plus loin. CARAMBA est un des meilleurs iris de Keppel des années 70. Il a cet aspect bien caractéristique : fleurs plutôt petites, bien ondulées, aux sépales qui se tiennent bien à l’horizontale ; et ces riches couleurs qui sont l’apanage des variegatas-plicatas. Quelle que soit la branche que l’on remonte dans la famille de cet iris, on découvre le gratin des « var-plic », comme SIVA-SIVA (Gibson 61), BALLYHOO (Keppel 68) –en fait un frère de semis de cette variété- et l’ancêtre MY HONEYCOMB (Gibson 58). BALLYHOO et ses frères de semis, dont FOGGY DEW (Keppel 69), proviennent de SIVA-SIVA et d’un autre plicata signé Keppel, DIPLOMACY (65). LIMERICK et METEOR (Keppel 73) sont deux autres « var-plic » de cette lignée. Et quand on n’est pas dans une lignée de variegatas-plicatas, on se trouve dans une lignée de plicatas tout court, descendants de TAHOLAH (Gibson 56), l’une des souches les plus efficaces de plicatas, ou de ROCOCO (Schreiner 60), une autre référence en la matière.

La branche paternelle commence par FLAMENCO (Keppel 77), un riche « var-plic », qui n’a que des plicatas dans ses ancêtres, depuis CHIQUAPIN (Gibson 59), dans les tons de pourpre, HENNA STITCHES (Gibson 60), plutôt brun-roux, APRIL MELODY (encore !), jusqu’à MONTAGE (Keppel 70) –jaune, blanc et prune- à l’origine duquel il y a l’inévitable TAHOLAH. MONTAGE est le père de ROUND UP (Keppel 71), un plicata bitone pourpre, lui- même géniteur de FLAMENCO. Le tour de piste est terminé.

Mais BROADWAY est maintenant presque une variété ancienne. On peut donc se pencher sur sa descendance, qui est fort nombreuse. Tous les obtenteurs de plicatas l’ont utilisé, que ce soit Keppel, bien sûr, mais aussi Gibson, Ghio, Cayeux ou Ségui, et surtout Byers et Blyth.

Monty Byers, avec son flair exceptionnel a jugé quel profit il pourrait tirer de BROADWAY. Au moins une demi-douzaine de ses obtentions en descendent directement, parmi lesquelles BARN DANCE (91), jaune léger ponctué de brun violacé, BLATANT (90), variegata jaune cadmium et grenat, et les deux frères, FLOORSHOW (89) et ISTANBUL (90), tous deux variegatas-plicatas brodés de pourpre, qui ont pour père EARL OF ESSEX (Zurbrigg 80), plicata bleu fort répandu chez nous.

Barry Blyth, en Australie, a marié BROADWAY avec ses propres obtentions et créé, par exemple, HE MAN (88), ROMAN PALACE (85), SHINE ON WINE (87) ou SWAIN (89). Le premier est un plicata pourpre très chargé ; le second, fils aussi de MICHIGAN PRIDE, un « var-plic » or et brun ; le troisième un riche variegata miel et grenat, plus proche de son autre parent, SHOWBIZZ (Gatty 79) ; le dernier, au pedigree complexe, un original bitone brun foncé.

Keith Keppel s’est servi de son « enfant » pour obtenir DISTANT ROADS (91), un variegata-plicata sombre, fortement imprégné d’indigo, LIGHT SHOW (91), l’un des plus beaux épigones de JITTERBUG, avec des pétales d’un jaune éclatant et des sépales finement et régulièrement rayés de grenat. ROSY CLOUD (85), plicata rose orchidée soutenu, ne descend pas directement de BROADWAY, mais de l’un de ses frères de semis.

Chez Gibson, BROADWAY a donné naissance à LIVING LEGACY (93), « var-plic » assez proche de DISTANT ROADS, et surtout THUNDER ECHO (87), tout le portrait de son père. Quant à Joseph Ghio, il en a tiré HOT CHOCOLATE (95), brillant plicata jaune et… chocolat.

N’oublions pas les Français. Richard Cayeux, avec DAZZLING GOLD X BROADWAY a obtenu le somptueux LOUIS D’OR, finement veiné de brun sur fond or, très voisin de RUÉE VERS L’OR (Ségui 92), qui est de BROADWAY X CATALAN.

L’histoire continue à la génération suivante et, pour faire bref, je ne citerai que quelques petits enfants de BROADWAY : AND ROYAL (Blyth 90), bicolore rose crème et violet, BURST (Blyth 93) qui a une certaine ressemblance avec son cousin RUÉE VERS L’OR , COPATONIC (Blyth 94), encore plus soutenu que SWAIN, SNEEZY (Keppel 96) gracieux « var-plic » clair, tout saupoudré de pourpre, ou PARFUM DE FRANCE (Ransom 2000), également variegata-plicata. Il est évident que d’autres successeurs de BROADWAY apparaîtront dans les années à venir, c’est la destinée des iris de grande valeur.

18.10.02

UN FESTIVAL DE COULEURS

Dans la grande palette des iris, on ne peut guère trouver plus vivement colorés que ceux de la catégorie que l’on appelle « variégata-plicata ». Comme cette dénomination le laisse entendre, il s’agit de fleurs aux pétales jaunes (ou tendant vers le jaune), et aux sépales clairs, voire jaunes également, mais liserés et pointillés de sombre. Il s’agit d’une transformation de la catégorie des plicatas par l’utilisation d’Iris variegata, une espèce riche en couleurs dont l’influence génétique est importante. Cette initiative est revenue aux frères Sass et a été largement exploitée par de nombreux obtenteurs dès les années 50, notamment par James Gibson, qui s’est fait une spécialité des plicatas jaunes ou bruns. Avec le temps, et une multitude de croisements divers, la catégorie s’est diversifiée. C’est ainsi que sont apparues un grand nombre de variations possibles et un vaste choix de combinaisons colorées. J’en ai distingué cinq types que je désignerai, par commodité, sous le nom de la variété de ce type la plus connue.

Le type « AUTUMN ECHO ».

Tout le monde, ou presque, connaît AUTUMN ECHO (Gibson 75), un célèbre iris remontant, aux chaudes couleurs, avec des pétales ocre, des sépales jaunes bordés et ponctués de l’ocre des pétales. S’il me paraît être la variété la plus répandue du type, il n’est pas le premier. Avant lui il y a eu MY HONEYCOMB (Gibson 58), SIVA-SIVA (Gibson 62), ECHO ONE (Schortman 63), ISLAND HOLIDAY (Gibson 69), SANDS OF GOLD (Plough 72), KONA COAST (Plough 73). Après, le type s’est perpétué avec des iris comme SHAFT OF GOLD (Sexton 76), RIO DE ORO (Plough 83), LEMON AND SPICE (Gibson 85), puis HOT TO TROT (McWhirter 91), BUSY SIGNAL (Lauer 93) ou CALDRON FIRE (Gibson 95).

Le type « FANFARON » ;

C’est un type assez voisin du précédent. Il se caractérise par des pétales éclatants, de jaune pâle à orange vif, et des sépales de la même couleur veinés ou ponctués de brun ou de violet, voire des deux. FANFARON (Hager 88) est très représentatif du type, mais tout aussi connus sont DAZZLING GOLD (Anderson 81), BENGAL TIGER (Maryott 81) ou JITTERBUG (Keppel 88). FLAMENCO WHIRL (Hamner 88) est encore plus vif, de même que LOS COYOTES (Burseen 93), qui descend d’ailleurs de deux variégatas-plicatas : DAZZLING GOLD et SUN TOASTED. PRIZE DRAWING (88), un produit tardif de Gordon Plough, est une version claire de ce type.

Le type « KILT LILT ».

C’est sûrement ce type qui a le plus de représentants et, sans doute, en est-ce le plus parfait achèvement. Les pétales sont jaunes, bien entendu, du jaune primevère au jaune d’or, et même à l’orange ou au brun miel. Les sépales, sur fond blanc ou crème, proposent des petits points de brun, de pourpre ou de violet foncé, devenant de plus en plus denses à mesure que l’on s’approche du bord, quelquefois les points se concentrent en une flamme, sous les barbes, quelquefois, aussi, un fin liseré de la couleur des pétales vient compléter l’ensemble. KILT LILT (Gibson 70 – DM 76) en est le plus bel et le plus fameux exemple. James Gibson, auparavant, avait aussi obtenu une variété toujours dans les catalogues, RADIANT APOGEE (64), et une autre, au moins aussi intéressante, ISLAND HOLIDAY (69). C’est ensuite Keith Keppel qui s’est fait, un temps, une spécialité de ces variétés flamboyantes, avec tout d’abord deux frères de semis, issus de RADIANT APOGEE, LIMERICK (73) et METEOR (73), auxquels ont succédé CARAMBA (75), fils de SIVA-SIVA, puis FLAMENCO (77), et MOROCCO (80), qui réunit les qualités de KILT LILT et de CARAMBA. SUN TOASTED (Gibson 76) fait partie de la version « soft » du type, où le rejoignent des iris comme DESERT ECHO (D. Meek 80) – l’effet plicata y est limité à un « spray » de brun violacé, au centre des sépales – et PANOCHA (Ernst 88), fils du précédent. WILD JASMINE (Hamner 83) est de la même eau, et descend de SHAFT OF GOLD, cité plus haut. Parmi les représentants de la version « hard » on trouve WHIRL AROUND (Hamblen 87), dans les tons oranges, HOT STREAK (Ghio 88), dans les tons grenats, ou CHEROKEE NATION (Hedgecock 92), dans les tons bruns. A côté, le moderne WESTERNAIRE (D. Miller 98), fait figure d’enfant sage, en jaune paille et blanc ourlé et moucheté d’indigo.

Le type « AZTEC DANCE ».

WESTERNAIRE, dont on vient de parler pourrait aussi être rangé sous ce type qui est une évolution récente. AZTEC DANCE (Blyth 80) en est un bon représentant : pétales cannelle, sépales blancs, flamme et liseré prune. La partie plicata est allégée, souvent limitée à une fine bordure ; les pétales vont du presque blanc au caramel soutenu. Un fils de CARAMBA, HINDU MAGIC (Blyth 81) fait partie du lot, de même que FLOORSHOW (Byers 89), descendant de BROADWAY, DISTANT ROADS (Keppel 91), très sombre, issu également de BROADWAY, tout comme SURPRISING WIT (99) enfant posthume de Jim Gibson. Sterling Innerst s’est fait en quelque sorte le champion de ce type, qu’il a décliné en TENNESSEE WOMAN (90), TENNESSEE GENTLEMAN (91), AGGRESSIVELY FORWARD (95), EXACTITUDE (96) ou, également, l’étrange OMINOUS STRANGER, qui porte bien son nom.

Le type « BURST ».

C’est là où l’on range les inclassables. BURST (Blyth 93) nous apporte d’Australie une variante où le dessin plicata abandonne les bords et se concentre au centre de la fleur. Chez BOLD VISION (Kerr 99), il se limite au contraire à l’extrême bord des sépales, tandis que sur LET’S DANCE (R. Nelson 86), il se contente d’imprégner les sépales et de s’étaler en une large flamme.

Avec les variégatas-plicatas, on est sûr d’en avoir plein la vue. Ce sont bien les iris aux couleurs les plus chaudes, et, par-dessus le marché, leurs combinaisons sont infinies. C’est pourquoi ils présentent un réel intérêt, non seulement pour le jardinier, mais aussi pour le collectionneur.

11.10.02

NORMA JEAN

J’ai eu l’occasion d’admirer, le printemps dernier, un iris rose que j’ai trouvé particulièrement séduisant. Il s’agit de NORMA JEAN (Durrance 91).

Le degré de séduction ne provient pas seulement de l’allusion directe que son nom fait à l’illustrissime Marilyn Monroe, mais surtout de la forme de la fleur, du port gracieux de la plante, et du charme de la couleur. NORMA JEAN est un iris rose, plutôt corail, tendre, avec des barbes roses assorties ; c’est à peine si les épaules des sépales et les côtes des pétales sont d’un rose un peu plus soutenu. La fleur est amplement ondulée, traditionnelle d’aspect, mais légère et vaporeuse à souhait. Rien d’exceptionnel, donc, mais une impression générale qui amène un sourire de plaisir sur les lèvres de celui qui contemple cette fleur.

Du point de vue génétique, NORMA JEAN est un rose de chez rose, comme on dit maintenant quand on veut parler au superlatif. Côté femelle il y a CORAL SATIN (Hamblen 81), un rose corail bien connu à barbes rose vif, et côté mâle CUSTOM MADE (Brown O. 81), un autre rose corail, à barbes saumon, délicatement frisé. Ces deux jolis parents ont engendré un descendant qui ne pouvait qu’être réussi. Le côté paternel n’a rien d’original. CUSTOM MADE provient de SCHIAPARELLI (Moldovan 72) x INSTANT CHARM (Brown O. 74). Le premier est un rose qui a eu son heure de gloire dans les années 70, issu lui-même d’une lignée de roses, dont le fameux ONE DESIRE (Shoop 60), le plus rose des roses de son époque. Le second est rose bleuté, avec une tache violacée au centre des sépales ; il descend d’ailleurs de RIPPLING WATERS (Fay 61 – DM 66), un mauve, comme chacun sait. Le côté maternel est plus intéressant car il n’y a pas que du rose, de ce côté là ! En effet CORAL SATIN est un produit de jaune par rose. Jaune par STAR SPANGLED (Hamblen 74), un beau jaune à barbes or, et par SAFFRON ROBE (Moldovan 68), jaune safran, donc foncé, qui a CHINESE CORAL (Fay 62), célèbre rose chair à barbes rouges, pour « mère » et GYPSY JEWELS (Schreiner 63), brun-rouge, pour « père ». Rose par LOVE SONNET (Hamblen 77), un rose classique à barbes rouge cerise, issu lui-même de MICHELIN (Hamblen 72), grenat clair, et de PINK SLEIGH (Rudolph 70), un de ces superbes roses de Rudolph, rose clair, qui provient du grand rose PINK TAFFETA (Rudolph 68 – DM 75). La teinte saumonée de CORAL SATIN n’est donc pas une surprise. Elle se retrouve, adoucie, dans NORMA JEAN, qui a également hérité, de ce côté là, de sa forme amplement sinueuse, gage de rigidité et de tenue des pièces florales.

NORMA JEAN aurait sûrement plu à sa « marraine », Marilyn, qui appréciait les teintes pastel, en harmonie avec son teint et la couleur donnée à sa chevelure. Que cela soit une jolie variété n’est, à bien réfléchir, que la conséquence de son riche patrimoine génétique. D’ailleurs, comme bien souvent chez les iris de qualité, on découvre qu’il y a des Dykes Medal parmi ses ancêtres : deux cette fois, RIPPLING WATERS et PINK TAFFETA. C’est un signe de plus que cette récompense est attribuée à juste titre. NORMA JEAN chasse de race.

4.10.02

ERREURS ET ÉCORCHURES

Un lecteur assidu et attentif m’a fait remarquer que, depuis qu’il existe, ce weblog a plusieurs fois écorché certains noms. C’est ainsi que celui d’Agnes WHITING, dont la variété BLUE RHYTHM a obtenu la Médaille de Dykes en 1950, a été orthographié WITTING. De même celui de James McWHIRTER est devenu parfois McWIRTHER… Quant au Britannique Brian DODSWORTH, je l’ai tout bonnement prénommé Barry. Je ne sais pas si ce fameux obtenteur me pardonnera de nouveau cette erreur, car, il y a quelques années, je l’ai déjà ainsi prénommé dans un courrier que je lui avais envoyé.

Certaines variétés ont également vu leur noms plus ou moins estropiés. Il serait fastidieux de les reprendre une à une. Les lecteurs avertis auront sans doute, comme l’on dit dans la presse, « rectifié d’eux-même ».

Ces observations, bien venues, vont m’inciter à me montrer plus méticuleux à l’avenir, et à me relire encore plus attentivement, d’autant que ce n’est pas le correcteur d’orthographe de l’ordinateur qui rectifiera les noms propres. Il faut tendre vers le zéro défaut, même si l’on sait qu’on n’arrivera jamais à la perfection.
BENJAMIN ROSS HAGER

De tous ceux qui, depuis l’origine, pratiquent ou ont pratiqué l’hybridation d’iris, il n’y en a pas un qui arrive à la cheville de Ben Hager pour ce qui est de la qualité et de la diversité de la production. Il s’est intéressé à tous les types d’iris sauf les bulbeux. Il a obtenu des succès formidables dans toutes les compétitions. Ses iris sont répandus en quantité dans le monde entier et il avait laissé un héritage si important que trois ans après sa mort, ses successeurs, et en particulier Richard Ernst, peuvent encore enregistrer des variétés qu’il avait hybridées.

Après une jeunesse, bien américaine, faite d’activités diverses et de métiers variés, c’est en 1951 qu’il a commencé à s’intéresser aux iris. Il avait 36 ans. Il a alors travaillé avec le réputé Tom Craig, puis chez un autre hybrideur, Carl Milliken. A quarante ans, en 1955, avec celui qui restera jusqu’au bout son alter ego, Sidney DuBose, il s’installe sur une petite plantation à Modesto, en Californie centrale, qui devient le nouveau Melrose Gardens, et se lance dans le commerce. C’est en 1959 qu’il déménage pour s’installer sur un terrain plus vaste, à Stockton, où il restera jusqu’à la fin de ses jours.

C’était un personnage attachant, d’une vive intelligence, d’une curiosité exceptionnelle et d’un immense courage au travail. Bien secondé par son ami Sid DuBose, il a mené de front une activité d’hybrideur multidirectionnelle. Et, à l’inverse de ce qui se produit habituellement lorsque l’on touche à tout, il a réussi dans toutes ses entreprises.

Il a commencé par s’occuper d’iris nains. C’est lui qui, en utilisant l’Iris aphylla dans la généalogie des grands iris miniatures, est à l’origine des iris « de table » (MTB). Ses succès dans ce type de plantes sont nombreux, depuis ses premières introductions en 1966. Pour n’en citer qu’un, parlons d’ABRIDGED VERSION (83), un rose fumé à barbes mandarine.

Iris aphylla, utilisé pour ses pouvoirs de miniaturisation, a donné naissance à de nouveaux nains miniatures (MDB), comme PRODIGY (73), un petit bleu clair de 15cm, qui est la « mère » de GIZMO (76), violet foncé, et l’un des ancêtres de BUGSY (92), variegata jaune et acajou, ou de IN TOUCH (99), rose à barbes crème, l’une de ses dernières introductions dans ce type.

Iris aphylla encore, pour rendre les iris intermédiaires un peu plus râblés. Ben Hager n’a pas négligé cette voie. Il a obtenu de la sorte des IB comme le jaune LOOKIN’GOOD (78). Ila aussi poursuivi ses recherches par d’autres voies et présenté plein de jolis variétés comme SWIZZLE (71), célèbre variegata-plicata, ou HOT FUDGE (82), plicata brun sur fond jaune ou l’orange JOY BOAT (92).

De 1963 à nos jours il n’a pas cessé de produire des SDB (plus de 70 variétés enregistrées) et, comme dans les autres domaines, il y a obtenu des iris remarquables. Tous les amateurs de ce type connaissent REGARDS (66), bicolore orchidée et acajou, DEMON (71), de couleur aubergine, HOCUS POCUS (74), curieuse fleur bleu lavande et brun verdâtre, BRIGHT MOMENT (82), aux pétales blancs et aux sépales indigo ourlés de blanc, PIGEON (87) bleu lavande profond, MY SHEBA (87) rose pêche, et son descendant LOVE TOKEN (97), rose clair à barbes blanches.

Une autre des directions qu’il a prises est celle des spurias. Il s’y est lancé dès 1955 et n’a pas cessé de proposer, pratiquement chaque année, de nouveaux iris comme le bleu lavande DIMINUENDO (85) ou le violet foncé veiné d’or DUERME (92). Cependant sa plus belle réussite en ce domaine doit être COUNTESS ZEPPELIN (87) surprenant variegata, qui a obtenu la Nies Medal en 97.

Si l’on parle d’iris du Japon, on est encore dans un domaine exploré par Ben Hager. Son STRANGER IN PARADISE (70) a obtenu la plus haute distinction, la Payne Award, en 1976, et l’année de son décès, il enregistrait encore POOH BAH (99), violet voilé de blanc.

La même passion l’a conduit à s’intéresser aux iris de Louisiane (MARY DUNN –74-, mauve rosé), aux iris de Sibérie (JAYBIRD –82-, deux tons de bleu), aux Pacific Coast (AROMAS –79-, du nom de sa petite ville natale), ou aux arilbreds (SHEIK –76).



Ce sont cependant les grands iris qui ont fait sa grande popularité, et aussi les iris de bordure (BB) grâce auxquels il a obtenu une de ses nombreuses médailles. PINK BUBBLES (79), frère de semis de BEVERLY SILLS, a obtenu la Knowlton Medal en 86.

Mais revenons aux grands iris. Au fil des années il a conçu (ou plutôt sélectionné) des fleurs amples, majestueuses tout en restant bien proportionnées, qui sont sa signature et que les spécialistes reconnaissent facilement. Ses premiers enregistrements concernent d’ailleurs des TB, FORAY (60), un iris dans les tons bordeaux, et SAVAGE QUEEN (60), un rose magenta. Cependant, dans ce type, la consécration a tardé à venir. Il a fallu attendre une dizaine d’années pour que des variétés de grande classe apparaissent. DECOLLETAGE est de 1970, BASIC BLACK de 1971, ICE SCULPTURE est de 1973… Mais une fois la machine lancée, elle a continué à plein régime ! La fête a commencé avec VANITY (75), la première des trois variétés Hager à avoir obtenu la DM. Mais les vingt ans qui séparent VANITY d’EDITH WOLFORD, DM numéro 3, ont été marqués par une foule d’iris tous plus réussis les uns que les autres, comme le plicata GRAPHIC ARTS (77), le blanc LEDA’S LOVER (79), l’orange PUNKIN (81), le rose, fils de BEVERLY SILLS, ANNA BELLE BABSON (84), tout comme AFFLUENCE (85). Les treize années suivantes sont encore plus prolifiques, avec, par exemple, BLYTH DEAN (87), DOLCE VITA(88), TIMESCAPE (89), AUTUMN CIRCUS (90), HORATIO (91), KATHLEEN KAY NELSON (92), HIGH TECH (93), LARK ASCENDING (94), CHASING RAINBOWS (95), PROSPEROUS VOYAGE (96), I’M PRETTY (97), DUO DANDY (98), MAKING WAVES (99)… Il s’est intéressé à presque tous les sujets concernant les TB, que soit les remontants (FEED BACK –83-, MOTHER EARTH –87-, CHRISTOPHER COLOMBUS –92-), les iris space age (HORNY LORRI –73-, JESTER –88-, TRIPLE WHAMMY –89-), les iris tardifs (LINGERING SPRING –91-, AFTER THE BALL –91- ou SURPRISE ENDING –92-).

Cette activité débordante, et cet art consommé ont valu à Ben Hager les récompenses les plus élevées. Trois Dykes Medal : VANITY (82), BEVERLY SILLS (85), EDITH WOLFORD (93) ; une Knowlton Medal pour PINK BUBBLES (86) ; trois Sass Medal pour ses iris intermédiaires SWIZZLE en 79, BUTTER PECAN en 91 et HOT FIDGE en 92 ; deux Cook-Douglas Medal pour ses SDB REGARDS en 73 et HOCUS POCUS en 81 ; deux Carpane-Welsh Medal pour ses petits GIZMO en 87 et DITTO en 88 ; une White Medal pour l’AB KALIFA’S ROBE en 98 et une Nies Medal pour le spuria COUNTESS ZEPPELIN en 97 ! Et il ne faut pas oublier le Florin d’Or que BEVERLY SILLS a remporté à Florence en 1981.

Benjamin Ross Hager, sous son large chapeau, s’était fait une place prééminente dans le monde terrestre des iris. Il est certain qu’il l’a gardée dans l’autre, où il a rejoint les frères Sass, Orville Fay, Ferdinand Cayeux, et tous ceux qui l’attendaient au paradis des iridophiles.

NDLR : Cette étude est basée sur les chroniques obituaires publiées dans le numéro 315 du Bulletin de l’A.I.S.