16.4.02

OPEN SKY

Chaque fois que je passe devant, j’ai un moment d’admiration pour cette large plaque bleue clair que constitue une touffe d’OPEN SKY (Warburton 76), vieille de trois ans. Tout près, le muguet, lui aussi en fleur, assure un arrière plan clair et parfumé auquel le vent frais ajoute, grâce aux pommiers, une pluie de pétales blancs et roses, tandis qu’un autre iris nain standard, DARK CRYSTAL (Byers 88), violet sombre à barbes violettes, complète gracieusement l’harmonie. Un peu plus loin CINNAMON ROSE (Nichols 90) associé à BABY BOOM (Byers 90), forment un joli mariage de pourpre et de jaune. Enfin PUMPIN’ IRON (P. Black 90), un pourpre, délicieusement parfumé, complète le tableau en compagnie de LOCARNO (Muska 90), un jaune crème à barbes bleues.

J’ai longtemps hésité à me lancer dans les iris nains standards, mais je dois reconnaître qu’en ce début de printemps, ils constituent un élément de choix dans l’ornement du jardin. De sorte que je regrette d’avoir perdu tant d’années.

OPEN SKY, mon favori, est le résultat d’une longue série de croisements entre petits iris nains (I. pumila) et grands iris des jardins, dans le but d’obtenir un bleu d’azur pratiquement parfait. Il est décrit comme bleu à barbes blanches, ce qui est exact mais un peu court pour une fleur aussi jolie et qui aurait mérité que l’on parle également de sa forme, classique, et de son parfum. A propos de forme, on peut aujourd’hui trouver des SDB bleus avec plus de grâce dans les ondulations et plus de tenue dans les sépales, mais tel qu’il est j’aime OPEN SKY.

Il a fallu attendre le début des années 50 et les travaux de Paul Cook et de Geddes Douglas pour voir apparaître des petits iris, d’une trentaine de centimètres de haut, avec toutes les qualités à la fois des iris nains et des iris de grande taille. Une fois de plus le hasard, et la chance, auront abouti à un progrès significatif. En effet c’est en cherchant à améliorer le bleu des grands iris que Cook a obtenu son semis n° 10942, lequel, croisé avec un petit I. pumila, a donné naissance à des hybrides bien proportionnés, plus petits que les iris intermédiaires et fleurissant un peu avant eux, mais présentant une qualité de fleurs et une diversité dans les coloris qui suscitèrent l’enthousiasme de leur inventeur. Il enregistra aussitôt trois de ces merveilles : BARIA, un jaune bitone, FAIRY FLAX, un indigo clair, et GREEN SPOT, un blanc marqué de vert dans la gorge. En 1954 Geddes Douglas utilisant du pollen provenant de variétés obtenues par Cook, lança ce qu’il baptisa les « iris lilliputs », démontrant l’énorme potentiel de ces variétés aussi bien pour ce qui est de la multitude des coloris possibles, qu’en matière de fertilité, du fait de leur nombre pair de chromosomes. En 1959, Randolph définit précisément une nouvelle catégorie d’iris, qu’il nomma « Standard Dwarf Bearded – SDB », analogue aux Lilliputs de Douglas. D’ailleurs cette double dénomination est à l’origine d’une ambiguïté que l’on constate encore dans certains catalogues, qui qualifient de Lilliputs aussi bien les SDB que les MTB (Miniature Tall Bearded) et qui est encore aggravée quand on parle d’iris « de rocaille ».

Les iris SDB sont donc à la base le produit d’un TB (Tall Bearded), en français Grand Iris de Jardin, et d’I. pumila. Puisqu’ils sont fertiles, ils peuvent être croisés avec d’autres catégories. Par exemple en les croisant de nouveau avec I. pumila on obtient une autre catégorie d’iris, les MDB (Miniature Dwarf Bearded), la plus naine des catégories référencées ; avec TB cela donne IB (Intermediate Bearded ), et croisé de nouveau avec SDB, on crée de nouveaux iris SDB. Notre OPEN SKY résulte de ces croisements multiples. Ceux-ci ont été nécessaires pour obtenir une variétés qui soit débarrassée de la tache sombre sur les sépales caractéristique des pumilas. Cette tache est gênante quand on souhaite obtenir un iris absolument monochrome, mais elle offre aussi d’immenses possibilités pour varier les coloris des cultivars polychromes. En jouant sur les prédispositions des uns et des autres, la catégorie SDB est sûrement celle qui offre le plus de choix possibles en combinaisons de couleurs. Même les barbes ont leur rôle dans ce choix puisque les pumilas apportent avec eux les barbes bleues que l’on peut retrouver en compagnie de couleurs qui ne leur sont pas associées chez le grands iris. Chez les SDB, on trouve tous les mélanges possibles. C’est un attrait de plus pour une catégorie qui en a déjà beaucoup : l’élégance, la robustesse, la rusticité, la floribondité, la vigueur et le parfum.

Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que les SDB se situent immédiatement après le TB dans le nombre des enregistrements. Ils représentent 12% des nouvelles variétés, bien loin devant une autre catégorie qui a le vent en poupe, les iris de Louisiane (5%). Et n’oubliez pas que les obtenteurs français ne négligent pas les SDB : Anfosso en a enregistré un certain nombre, et c’est une spécialité de Lawrence Ransom qui en propose de nouveaux presque chaque année et dont la collection dépasse maintenant la quinzaine. Parmi ceux-ci on remarque TRESCOLS (Kurzmann-Peyrard 91), au coloris étrange, mélange de gris-bleu et de vert, et ses enfants, CRAQUELURE (Ransom 96), bleu argenté fortement veiné d’indigo sur les sépales, ou ROMAN NOIR (Ransom 96), pourpre sombre. Alors, si vous n’étiez pas encore convaincus, peut-être allez vous l’être après ce plaidoyer.

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