17.3.02

CUTIE ET LES INTERMEDIAIRES

Vous connaissez CUTIE ? Un petit iris blanc aux sépales veinés de bleu aniline. C’est une variété ancienne (1962), mais typique de cette catégorie fort intéressante que l’on a baptisée « iris intermédiaires ».

L’idée de croiser les iris nains et les grands iris pour obtenir des iris se situant entre les deux ne date pas d’aujourd’hui. Le but recherché était d’obtenir des variétés qui comblent le vide temporel entre les iris nains qui fleurissent très tôt en saison, et les grands iris qui ont leur anthèse près de deux mois plus tard. L’expérience avait été tentée en Europe par Dykes et par Foster en Grande Bretagne, par Koenemann en Allemagne, à partir des iris diploïdes de l’époque, mais ce n’est qu’après la découverte des iris tétraploïdes que l’entreprise est devenue intéressante. Aux USA, ce sont les frères Hans et Jacob Sass qui se lancèrent dans l’aventure parmi les premiers.

En fait ils ont tenté de croiser de grands tétraploïdes avec des petits « Iris pumila ». Moyennant quoi ils ont obtenu ce que l’on appelle aujourd’hui des « nains standards », en américain SDB –Standard Dwarf Iris -, c’est à dire des iris plus grands que les pumilas, mais très en dessous de la taille des grands iris. Ils avaient inventé une catégorie qui, depuis, a pris une ampleur remarquable et doit être une des plus créatives. Ils se sont dit, néanmoins, qu’il y avait encore de la place, dans l’échelle des tailles et dans la période de floraison, pour une catégorie un peu plus haute et un peu plus tardive. D’où l’idée de croiser de nouveau les SDB avec des grands iris. Sitôt dit, sitôt fait. Les meilleurs des SDB de l’époque furent « mariés » aux variétés de TB AMAS et CATERINA, et les Sass obtinrent les premiers iris intermédiaires. De son côté William Mohr entreprit une démarche analogue, mais en utilisant comme espèce de départ, non plus I. pumila, mais les petits chamaeiris jaunes, introduisant du même coup une nouvelle couleur dans la catégorie des intermédiaires.

Le problème, pour obtenir des iris intermédiaires, c’est que les parents potentiels ne fleurissent pas au même moment. Il faut donc un peu tricher et utiliser le réfrigérateur pour conserver le pollen des uns jusqu’à la floraison des autres. Un peu comme aujourd’hui l’on conserve dans l’azote liquide les spermatozoïdes destinés à une fécondation in vitro. Cela dit, un second problème se présente : les hybrides interspécifiques de nains standards (40 chromosomes) et de grands iris (48 chromosomes) disposent de 42 chromosomes (12+12/12+8) et cette formules bancale fait qu’ils sont stériles. Leur reproduction est donc seulement végétative et ils ne donnent pas naissance à de nouvelles variétés intermédiaires. Pour en créer de nouveaux, il faut reprendre le processus à la base : TB + pumila = SDB ; SDB + TB = IB.

CUTIE répond tout à fait au processus décrit ci-dessus : il est issu d’un semis SDB lui-même obtenu en unissant un TB, le fameux JANE PHILIPS, et un iris pumila bleu, et d’un grand iris, MRS DOUGLAS PATTISON.

Certains ont espéré obtenir des iris intermédiaires fertiles : ceux-là proviennent d’une autre voie, celle d’un croisement entre TB et petits tétraploïdes comme I. aphylla ou I. reichenbachii. Mais cette recherche est plus douteuse et l’on devrait plutôt parler, alors, d’iris de bordure car la spécificité des IB n’existe plus, ni dans la gracilité de la fleur, ni dans la période de floraison.

Les vrais iris intermédiaires ne doivent rien à voir avec les iris de bordure, qui sont trop souvent des avortons de TB. Ce sont des hybrides originaux dont les caractéristiques sont maintenant bien arrêtées (de 40 à 70 cm de hauteur, des fleurs de cm de large) et qui disposent de leur propre récompense suprême, la Sass Medal. Ce sont sans doute les réelles difficultés dont on a parlé plus haut qui ont longtemps limité l’obtention d’intermédiaires, mais de nos jours les hybrideurs professionnels et expérimentés, conscients de l’intérêt à la fois commercial et horticole de la catégorie, présentent chaque année de nouvelles variétés intéressantes. Ils ont « explosé » lorsque Paul Cook, en 1951 a enregistré trois variétés inoubliables, FAIRY FLAX, BARIA, et GREEN SPOT. CUTIE, onze ans plus tard, a également marqué la catégorie. Maintenant les intermédiaires sont nombreux et de belle qualité.

Mes préférés sont certainement le rose flamant ASK ALMA (Lankow 87), les bleus AZ AP (Ensminger 80) et BEL AZUR (Cayeux 93), le gris-bleu MEZZA CARTUCCIA (Bianco 98), le « noir » HELEN PROCTOR (Briscoe 77), le pourpre VAMP (Gatty 72), et, dans les jaunes MAUI MOONLIGHT (Aitken 87) et BLUE EYED BLONDE ( Ensminger 89) intéressant pour ses barbes bleues. Le meilleur plicata sont peut-être RARE EDITION (Gatty 80) en blanc marqué de violet pourpré, et BROADWAY BABY (Gatty 89), véritable variegata-plicata. Et parmi les bicolores j’ai un faible pour HELLCAT (Aitken 81), amoena à barbes sombres, LUNAR FROST (Keppel 96), blanc taché de jaune citron sous les barbes blanches, et PROTOCOL (Keppel 96), amoena jaune. Pour terminer en brillance, citons FIREBUG (Gatty 94), superbe variegata jaune et brun.

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