14.1.02

IKAR

La variété de la semaine sera l’iris ouzbek IKAR, obtenu par Adolf Volfovitch-Moler. Introduit en 92, il a obtenu en 1995 le Florin d’Or au Concours de Florence. Cette chronique arrive maintenant, en hommage à Adolf Volfovitch-Moler, dont je viens d’apprendre la disparition.

Tout le monde a été surpris quand le jury de Florence a désigné IKAR comme meilleure variété de 95. Non pas parce que l’iris n’en valait pas la peine, mais pour deux autres raisons : d’une part ce prix couronnait une variété issue d’un pays dont on ignorait même qu’il abritait un amateur d’iris, et dont certains cherchaient fébrilement l’emplacement dans leur atlas, d’autre part parce que les origines de cet iris laissaient à penser qu’il pouvait s’agir d’une plante désuète, disons plutôt passée de mode. Son pedigree ? Rippling Waters x Pipes of Pan, deux variétés des années 60, dont on n’imaginait pas qu’elles puissent donner naissance à une variété moderne, trente ans plus tard. Et pourtant, IKAR est un iris très joli, grand et bien proportionné, dans un coloris pastel agréable à l’œil : les pétales sont blancs un peu violacé, on peut dire blanc huître, et les sépales d’un mauve améthyste léger, éclairci sous les barbes qui sont mandarine. L’ensemble est légèrement ondulé, gracieux. A y regarder de près, on constate tout de même que cette fleur avoue son âge : les sépales sont un peu pincés, donc ayant tendance à retomber, et l’allure générale n’a pas l’ampleur des variétés d’aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, IKAR n’a pas volé sa distinction, et les juges ont fait preuve d’une belle impartialité en tenant compte davantage des qualités de la plante que de sa modernité.

Adolf Volfovitch-Moler, avec qui j’ai eu des relations épistolaires suivies, était un scientifique retraité, bourru et entêté, mais passionné par ce qu’il faisait, les iris, bien sûr, mais aussi les glaïeuls, aux hybrides desquels il a fait faire un véritable bond en avant, avec des coloris franchement nouveaux obtenus par l’utilisation chimique du manganèse, et des fleurs denses, robustes et résistant bien aux intempéries. Dans le numéro 122 d’Iris et Bulbeuses, j’ai publié des photos de quelques uns de ces cultivars originaux, que l’on ne trouvera, malheureusement, jamais dans le commerce car leur obtenteur n’a jamais réussi à les faire produire en Europe.

Dans ce même numéro, j’ai cité Adolf Volfovitch-Moler qui reconnaissait la modestie de ses moyens et se plaignait de son isolement et des difficultés qu’il rencontrait à l’époque pour se procurer des variétés modernes pour enrichir ses hybridations. Je lui ai envoyé ou fait envoyer des obtentions françaises récentes dont il était très heureux et qui sans doute auraient donné naissance à de nouvelles variétés exotiques si la mort n’était pas venu interrompre la travail de cet obtenteur du bout du monde.

Adolf Volfovitch-Moler n’était pas spécialement fier d’IKAR, il lui préférait d’autres variétés de son cru, aux coloris plus originaux, comme TASHKENT (92), un variégata chaleureux, aux pétales dorés et aux sépales roux, liserés d’or et veinés de blanc, avec une nette flamme blanche sous les barbes oranges. Il avait aussi un faible pour un coloris mauve éteint, qui, à mon sens, manque d’éclat, mais qui ne se rencontre dans aucune autre fleur que dans CHIMGAN (92) ou VDOKNOVENYIE (92) et beaucoup de leurs descendants.

Je possède dans ma collection vingt variétés obtenues par Adolf Volfovitch-Moler, et mes préférences vont, en dehors de celles qui viennent d’être citées, à CARNIVAL NIGHT (97), un iris sombre, aux pétales et sépales pourpre mêlé de violet, barbes indigo, ainsi qu’à RAH RAH BOYS (97) un bicolor plicata très original et sans doute unique dans la répartition des couleurs, SYMFONYIA, le meilleur tardif de Florence en 95, un rose pourpré, ou rose neyron, avec une barbe minium qui relève l’ensemble ; la fleur est très peu ondulée, mais grande et belle : une touche de couleur vive en fin de saison. Et surtout ZOLOTAYA KORONA (98), un self vieil or très soutenu, presque bronze, éclairé de barbes mandarine, issu de Deep Fire x Christmas Time.

Comme il le regrettait lui-même, l’absence de variétés modernes dans le panel d’iris à la disposition des obtenteurs de l’ancien bloc soviétique, n’a certainement pas permis à A. Volfovitch-Moler d’exprimer tout son talent d’hybrideur. Il est arrivé un peu trop tard, victime de l’isolement où son pays a été longtemps confiné.

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