22.9.01

L’EUROPE DES IRIS

On a coutume de comparer l’Europe (de l’Atlantique à la frontière de l’ex URSS) et les Etats Unis, du moins au plan économique et démographique. Mais qu’en est-il au plan de l’iridophilie ? La réponse est simple : rien de comparable !

L’Europe, sur ce plan comme sur beaucoup d’autre, est handicapée par le cloisonnement des Etats et les barrières linguistiques. Chaque pays, dans le domaine qui nous intéresse, a ses goûts et ses habitudes, auxquels s’ajoutent dans une certaine mesure, des problèmes climatiques. De sorte qu’à chaque pays correspond une situation particulière.

L’Europe du Nord est absente de l’iridophilie. Norvège, Suède, Finlande, Etats baltes, Danemark, ont un climat peu favorable à la culture des iris et de ce fait les amateurs sont rares, voire inexistants. Les Pays-Bas, pourtant réputés pour leurs cultures florales, sont plus particulièrement branchés bulbeuses et culture intensive, les iris, hormis les iris de hollande, bien entendu, y sont pour ainsi dire ignorés. Avec la Belgique commence la zone où l’on cultive les iris. Plusieurs amateurs éclairés y pratiquent l’hybridation, notamment aujourd’hui Koen Engelen (Grands Iris et Iris du Japon) et Willy Hublau (Iris de Japon). Une association rassemble les amateurs d’iris, d’hémérocalles, etc.…

Même si cela peut paraître surprenant à beaucoup, l’Allemagne est un pays important en matière d’iridophilie. Chaque année de nombreuses variétés nouvelles y apparaissent et plusieurs obtenteurs ont une véritable notoriété : Harald Moos, Dietmar Görbitz, Eberhard Fischer, Manfred Beer ou Rainer Zeh enregistrent chaque année des variétés nouvelles de grands iris, il en fut de même pour Lothar Denkewitz jusqu’à sa récente disparition. Thomas Tamberg de son côté, est un spécialiste des iris de Sibérie et des hybrides interspécifiques (sib-color, cal-sib, sib-tosa…). Le problème en Allemagne, c’est que les obtenteurs, à l’exception de T. Tamberg, ne cherchent pas vraiment à faire connaître leur production au-delà de leurs frontières, et que la commercialisation des variétés allemande est très mal assurée. Particularité allemande : pas d’association spécifique pour les amateurs d’iris, mais un groupe au sein de la GDS (Société des amateurs de plantes vivaces).

La Grande Bretagne est depuis toujours un grand pays en matière d’iris. Elle reste l’un de ceux qui attribuent chaque année une médaille de Dykes ( elle fournit d’ailleurs les autres médailles portant cet illustre nom). Les amateurs y sont nombreux, de même que les hybrideurs. Barry Dodsworth est peut-être le plus connu d’entre eux, mais il faut compter aussi avec Cy. Bartlett, Robert Nichol (récemment décédé) et, chez les dames, Nora Scopes, Maureen Probert ou Anne Blanco-White. La B.I.S. est une des plus importantes sociétés iridophiles du monde. Nombreux aussi sont les producteurs, car il y a véritablement une clientèle pour les iris. A noter que les jardiniers anglais ont un grand attachement pour les variétés anciennes et que les catalogues en proposent un grand nombre.

On ne parle pas d’iris en Espagne ou au Portugal, pas davantage en Grèce ou dans les Balkans. Problème de climat ? Sans doute pas seulement, il faut compter surtout sur un problème de culture (aux deux sens du terme).

En Europe du Sud, il n’y a que l’Italie qui compte un grand nombre d’amateurs d’iris.
Ce pays se distingue même par le fameux concours de Florence qui récompense chaque printemps une variété remarquable. Au plan de l’hybridation, l’Italie connaît quelques obtenteurs intéressants, Augusto Bianco, qui élève peu à peu son entreprise au rang des plus importantes d’Europe, ou Valeria Romoli, qui est un amateur éclairé et qui a été récompensée l’an dernier par un Florin d’Or, dans son propre pays. La Società Italiana del’Iris, qui attribue les médailles de Florence, regroupe les amateurs du pays. Tout à côté, la petite Slovénie abrite un bon obtenteur, Isidor Golob.

En Autriche il n’y a pas actuellement d’hybrideur professionnel ou amateur enregistrant des variétés, mais la maison Mattuschka est l’une des seules au monde à proposer à la vente des cultivars allemands.

Toute différente est la situation en Slovaquie voisine. Un grand hybrideur s’y est révélé ces dernières années, Ladislaw Muska, qui commercialise ses propres iris. D’autres obtenteurs y font leur apparition, comme Anton Mego et Jan Stillhammer.

Un foisonnement encore plus étonnant existe en République Tchèque. Mais il s’agit d’un pays qui a une longue tradition iridophilique, avec notamment Milan Blazek et Zdenek Smid (qui remporta le Florin d’Or en 85 avec Libon). Aujourd’hui de nombreux amateurs enthousiastes obtiennent des variétés intéressantes. Leur activité s’est accrue avec l’ouverture de leur pays vers l’ouest et la possibilité pour eux de se procurer des iris modernes américains ou français. Il faut maintenant compter avec Zdenek Seidl, Pavel Nejedlo ou Jiri Dudek, qui entrent dans la cour des grands. A côté, la Pologne suit, difficilement, le même chemin. Mais les conditions climatiques rigoureuses gênent le travail des hybrideurs. Néanmoins des amateurs comme Jerzy Wosniak et Lech Komarnicki ont obtenu des iris de qualité. Tchèques et Polonais se heurtent à des difficultés de commercialisation des leurs produits, ce qui empêche qu’ils soient connus à travers le monde. Ils sont rassemblés dans la MEIS, association des amateurs d’iris de l’Europe Centrale, qui manque, malgré tout, de moyens pour assurer la promotion des iris de la contrée.

Reste la France. Il est inutile de la présenter. Mais il faut savoir que si elle est le pays d’obtenteurs aussi célèbres que les Cayeux ou les Anfosso, elle est faible en nombre de véritables amateurs d’iris. Les effectifs de la SFIB sont insuffisants pour faire de notre pays une grande nation iridophile.

Entre ces nations, presque aucun contact. On s’échange parfois les bulletins entre associations, mais ceci n’est vrai pour tous les pays, et il n’existe aucune structure fédérant les associations. L’Europe des iris reste à faire et elle n’est pas près de concurrencer l’hégémonie des Etats Unis.



20.9.01

CAHOKIA

J’ai trouvé sur le net une photo de Cahokia. C’est un bel iris bleu clair, d’une forme ancienne, bien sûr, mais qui doit plaire à Lawrence Ransom, lequel a un faible pour les fleurs sans ondulations. Cela m’a donné envie d’évoquer un aspect de l’histoire de l’hybridation, celle des iris bleus.

Cahokia est une de ces variétés qui figurent dans le pedigree d’un grand nombre de nos plus beaux iris d’aujourd’hui. The World of Irises en parle à plusieurs reprises. A propos des iris blancs, tout d’abord : « A peu près tous les grands iris barbus blancs proviennent d’un croisement entre deux blancs ou celui d’un blanc et d’un bleu. Plusieurs bleus semblent réussir particulièrement bien avec les blancs. L’un d’entre eux est Cahokia dont le pedigree est (Purissima x (Purissima x Santa Barbara)) x ((Purissima x Santa Barbara)x Santa Clara). Santa Barbara et Santa Clara sont deux bleus descendants de Kashmir White. Figure également au premier plan dans le hybridation des blancs, Cloud Castle, de Sensation et Gloriole. Les trois bleus Cahokia, Cloud Castle et Gloriole apparaissent comme étant aussi importants dans l’histoire des iris blancs modernes que les blancs eux-mêmes. » A propos des bleus ensuite : « Le bleu doit sûrement être la plus populaire des toutes les couleurs d’iris. [---] Un important chapitre dans la recherche du bleu a commencé par le travail d’Eva Faught [---] qui, grâce à une heureuse combinaison de semis, a obtenu le bleu pâle Cahokia et son frère de semis le bleu foncé Pierre Ménard. »

A partir de Cahokia et de ses descendants directs on trouve la plupart des bleus d’aujourd’hui. A commencer par le populaire Music Maker (Waters 61) qui est encore en vente chez nous dans le catalogue d’un grand de la VPC végétale. Cahokia est aussi parmi les ancêtres de Galilee (Fay), de même que South Pacific (K. Smith 54) dont descendent à la deuxième génération deux vainqueurs de la DM : Pacific Panorama (N. Sexton 60) et Shipshape (S. Babson 69). La firme Schreiner n’a pas manqué d’utiliser Cahokia et son frère Pierre Ménard. Ce qui a abouti au bleu parfait Sapphire Hills (71), lequel se trouve dans la lignée d’un grand nombre de bleus par exemple : Portrait of Larrie (Gaulter 77), Horizon Bleu (Cayeux 82), Tides’ In (Schreiner 83), Blue Aristocrat (Schreiner 87), Rapture in Blue (Schreiner 90), Mariah (Schreiner 95), Ouragan (Cayeux 96), Grand Amiral (Cayeux 2000), et Yakina Blue (Schreiner 92) qui a remporté cette année la DM.

Galilee (et donc Cahokia) se trouve dans la généalogie de Babbling Brook (Keppel 69) – DM 72 – lui-même ancêtre de Actress (Keppel 76), Avalon Bay (Hamner 74), Blue Reflection (Schreiner 74), Full Tide (O. Brown 72), Regent’s Row (Denney 79), Sky Blaze (Keppel 87) – Florin d’or en 90 - Douce France (Anfosso 88) ou Massalia (Anfosso 95) ; parmi les descendants de Full Tide on trouve une foule de beaux bleus comme Blenheim Royal (Schreiner 90), Jean Hoffmeister (Gatty 82), Rippling River (Schreiner 95) ou Star Sailor (Schreiner 95). Navajo Jewel (Weiler 84) est un autre descendant de Galilee, associé à un de ses enfants, Seaside (O. Brown 67) ; il est donc doublement de cette lignée.

South Pacific a sans doute eu une descendance moins fournie, mais il a donné néanmoins Wetnachee Skies (Noyd 63), un des plus jolis bleu ciel, lui même parent d’un autre bleu, Windchimes (Soults 70).

Les variétés citées ne représentent qu’une petite partie des iris ayant pour ancêtre Cahokia. Il n’est donc pas exagéré de faire de ce fameux bleu l’un des géniteurs du monde actuel des iris.

19.9.01

BLANCS A BARBES ROUGES

Les iris blancs à barbes rouges m’intéressent depuis longtemps car je les trouve particulièrement attractifs et agréables à l’œil.

Ces iris ont pour la plupart leur origine dans une recherche qui remonte aux années 50. Dans la bibles des iridophiles, The World of Irises, Melba Hamblen et Keith Keppel écrivent : « La plupart des premiers blancs à barbes rouges proviennent d’un programme d’hybridation consistant à transférer la barbe colorée des iris roses sur des iris blancs. En croisant Snow Flurry avec le rose Cherie et New Snow avec le rose New Horizon, Fay a commencé une lignée dont il a tiré pour les introduire Lipstick en 57 et Arctic Flame en 60. »

On peut dire que c’est cet Arctic Flame qui est à la base des iris blancs à barbes rouges d’aujourd’hui. Et c’est un de ses descendants immédiats, Christmas Time (Schreiner 65), qui a donné la plus belle descendance. Cette variété provient du croisement d’un enfant blanc du rose May Hall avec Arctic Flame, et c’est toujours un des meilleurs de la catégorie.

Il y a assez peu d’obtenteurs qui ont développé cette association de couleurs. Schreiner, bien sûr, qui nous a donné Startler, en 72, descendant direct de Christmas Time, puis Heavenly Rapture en 89, ce dernier issu d’une autre filiation. Melba Hamblen, en 78, a enregistré Chritsmas Rubies, qui descend d’Arctic Flame et d’un autre blanc à barbes oranges : Valentina. La même année 78, Jean Cayeux, en France, a proposé deux blancs à barbes rouges : As de Cœur et Neige de Mai, tous les deux issus de Chritsmas Time. Peu de temps après, le Californien Glen Corlew, plutôt spécialisé dans les iris roses, a enregistré en 82 deux variétés au pedigree voisin, Filoli et Showman, qui ont Arctic Flame dans leurs parenté. En 1986 c’est John R. Durrance, de Denver, Colorado, qui a la chance de pouvoir présenter Any Sundae, un descendant de Christmas Rubies. Le spécialiste incontesté des iris à barbes rouges, George Shoop, n’est pas passé à côté du problème, il a enregistré Spring Pleasure (88), une variété provenant d’une lignée différente, et particulièrement de Today’s Fashion, un iris rose pêche. Au même moment Monty Byers, le génial promoteur des iris « space age », introduisait sur le marché deux variétés intéressantes, Heavenly Bliss (89), et, surtout, Lurid (87) qui se démarque en prolongeant ses barbes rouges d’un appendice mauve. Il s’agit de deux frères de semis, descendants de Startler et du fameux Sky Hooks. On trouve ensuite, en 91 et 92 des variétés blanches à barbes rouges ou minium qui sont issues de croisements entre iris à dominante jaune ou orange. Il s’agit de Confession (Keppel 92), Snow Blanket (Ernst 91) et surtout Nordica (Maryott 92).

Ailleurs qu’aux USA notons le travail de Brian Dodsworth, en Grande Bretagne, dont les recherches ont été couronnées de deux Médailles Anglaises de Dykes : Bewick Swan (80) (BDM 85) qui est une amélioration de l’ancien blanc à barbes rouges de Nate Rudolph, Crystal Blaze (64), puis Mute Swan (85) et Whooper Swan (95) (BDM 97), frères de semis, même si les dates d’introduction ne le laissent pas supposer, (Princess x Vanity) ; comme quoi deux roses peuvent donner naissance à un blanc… Dans ma collection j’ai aussi deux variétés blanches à barbes rouges fort peu connues : Elbruz Almazny, obtenu en 1978 par le Caucasien Vitali Gordodelov, et Illusione Ottica, en provenance d’Augusto Bianco en Italie. Ni l’une ni l’autre ne constituent des étapes incontournables de l’évolution.

Puisque l’on en est à émettre un jugement de valeur, pour moi, deux variétés dominent le lot : Nordica, pour la grâce de ses fleurs et la pureté de son blanc, et surtout Any Sundae. Cette dernière est pour moi le plus beau blanc à barbes rouges, en raison de sa forme parfaite et de ses barbes, réellement rouges et très grosses, ce qui constitue un contraste remarquable.

8.9.01

AM ET HM

Les dernières récompenses américaines pour l’année 2001 viennent d’être publiées.
Pour les Awards of Merit (AM), c’est encore un produit Schreiner qui l’emporte : le splendide iris pourpre foncé DIABOLIQUE arrive largement en tête. D’ailleurs la maison Schreiner truste les récompenses, avec sept AM sur un total de 21, devançant de beaucoup Keith Keppel qui en obtient tout de même trois.

Du côté de Honorable Mentions, c’est toujours un iris Schreiner qui écrase les autres : STARSHIP ENTERPRISE, qui remporte donc la Walther Cup (Meilleur espoir).

Parmi tous les iris récompensés on ne trouve qu’une variété non américaine, ALIEN MIST, de l’anglais Cy Bartlett. Décidément il n’est pas facile pour les non américains de se faire une place dans les tableaux d’honneur !

A propos de la Walther Cup, on peut dire que l’emporter lance véritablement la variété dans la course à la Dykes Medal. C’est ainsi que BEVERLY SILLS en 81, HONKY TONK BLUES en 90, ou HELLO DARKNESS en 94, ont entamé par là leur cursus honorifique. DIABOLIQUE, le meilleur AM de cette année à remporté la WC en 99. Cette variété est bien partie, comme FEATURE ATTRACTION ou FANCY WOMAN, pour prétendre au plus haut sommet dans les années à venir.